Le folk anglais entre dans le XXIème siècle dans toute sa splendeur et sa pureté. Un premier disque sans âge, pour aujourd’hui et pour l’éternité. Et nous d’assister à la naissance d’un songwriter d’exception.


Il y a vraiment des gens insupportables. Tenez, prenez Findlay Brown : gueule d’ange, look vintage estampillé hippie intello, voix en or massif, talent fou… Il y a vraiment de quoi se remettre au rameur.

Peacefrog, label à l’appétence campagnarde jamais assouvie, vient de débusquer, au détour d’un sentier du Yorkshire, ce petit prodige du folk anglais qui, en signant l’incroyable Separated By The Sea, risque bien de marquer nos cerveaux pour très longtemps. Pourtant, voilà bien un domaine dangereux, un style casse-gueule tellement les hommes qui ont fait son histoire, notamment autour des années 60-70, sont tous d’authentiques légendes. Entre les Britanniques de naissance Nick Drake, Van Morrison et Bert Jansch, et les spécialistes de l’import-export Jackson C. Frank ou Tim Buckley, difficile aujourd’hui encore de planter son fanion sur le terreau du mythe tellement les disques de ces artistes séminaux sont à peu près tous des incunables. Et pourtant, le nouveau venu Findlay Brown n’a vraiment pas froid aux yeux et sidère par sa fougue.

Des premières notes de « I Will (Ghost Ship) » au dernier soupir de « Twin Green Pram », Separated By The Sea nous téléporte quelque part au-dessus de la campagne anglaise, non loin d’une côte escarpée et venteuse, tout en nous offrant un réconfort dont on ne se repaît jamais vraiment. Entre ballades aériennes et titres plus bourrus, le disque se déroule en laissant le temps en suspens, accélérant de-ci de-là le rythme pour ne pas se faire rattraper par le quotidien, en enlevant notre esprit pour l’emmener dans des contrées sauvages, vierges et luxuriantes. Separated By The Sea, c’est le voyage de Nils Holgersson, une guitare en bandoulière. Et Findlay Brown est le maître de céans, un faux éphèbe mais un vrai charmeur.

Son incroyable voix est un ticket pour le pays des délices, une voix chaude, forte, affirmée et légèrement virevoltante. Une caresse pour les coeurs esseulés, un défi pour les hommes inscrits aux cours de romantisme d’Oscar Wilde, ce romantisme sans barrière et sans scrupule. Si Tom MacRae représente la mièvrerie pour vous, Findlay Brown sera votre maître à penser. Voilà quelqu’un qui ne confond pas mélancolie et pleurnicherie. On a toujours cru que les sirènes ne pouvaient être que féminines, c’est qu’à l’heure tant attendue de la parité, il serait grand temps d’équilibrer la balance ; mesdames et mesdemoiselles, ne cherchez plus, voilà le premier siren de l’espoir, sa voix vous envoûtera et plus jamais vous ne voudrez revenir dans votre cocon après avoir entendu « Come Home » (joli pied de nez) ou « The Loneliness I Fear ».

En outre, le talent d’écriture de ce jeune troubadour est proprement écoeurant pour la concurrence. Findlay Brown a jeté le gant, les Kings Of Convenience sont obligés de le relever pour leur honneur. Car là où les Norvégiens se sont mis à deux pour prolonger l’oeuvre de Simon & Garfunkel, Findlay Brown s’est lancé seul dans le bain du folk littéraire et onirique dans son entier. Et le résultat est monumental.
Au coeur de ce bijou de grâce pure, on trouve même quelques cavalcades fulgurantes de limpidité, la voix altière faisant le reste. « Losing The Will To Survive » et « Don’t You Know I Love You » sont probablement les deux actes de bravoure les plus flamboyants de Findlay Brown sur ce premier effort, de véritables coups de génie. Mais qui n’occultent en rien les 9 autres chansons qui, habillées d’arpèges aurifères ou en déshabillé de satin font chavirer de bonheur malgré leurs textes décrivant désillusion ou perdition.

Si, dans la nuit des temps, tous les bardes avaient chanté comme Findlay Brown, il y a fort à parier que les velléités guerrières qui ont ensanglanté les îles britanniques au fil des siècles n’auraient jamais traversé la Manche, separated by the sea de la vilénie humaine qu’elles étaient.

– Son Myspace