Chanter avec la voix de Will Oldham et jouer avec un groupe qui sonne comme Palace doit constituer un fardeau pas si évident à porter quand on est une jeune pousse du songwriting made in US. Mais, faut-il le rappeler – parce qu’on l’oublie vite – l’hypothétique singularité, sinon grandeur d’un musicien tient moins aux références qu’il traîne derrière lui comme un miroir aux alouettes, dans lequel les auditeurs se regardent à l’envi, qu’elle ne se loge dans les subtils écarts qu’il entretient justement avec son lot de mythologies. Soit donc Dan Smith, un songwriter qui chante comme Will Oldham et joue avec son groupe, un quintet, qui sonne à l’instar de Palace. Un premier disque, huit chansons, en un peu plus de vingt-deux minutes. Quand on est jeune, on a pas de temps à perdre. On joue comme on le sent, on pense après – pour savoir si on a bien senti. Chaque seconde est essentielle, pas de répit, il faut écrire, (se) dire, jouer, se battre contre la vie qui ne sourit pas tous les jours, s’aimer sans faire son lit, puis se haïr aussitôt, aller voir ailleurs pour toujours s’y retrouver, violenter jusqu’à l’absurde cette putain de raison qui rampe comme un rat enragé et s’inventer un avenir à l’ombre du monde. Mais là-bas, aussi, la lumière est tombée, sur les arbres s’agitent quelques oiseaux de mauvais augure qui attendent leur heure. Alors là ou ailleurs, aujourd’hui ou demain, il ne reste plus qu’à chanter encore et encore, refaire son nid avec les carnassiers, s’inventer une autre existence pour mieux s’en moquer. D’écarts parlions-nous. Cette guitare électrique qui harponne la douleur ou résonne dans le lointain, maniée avec un doigté prodigieux par Dan Smith, ce violon et cette voix (Stephanie Rabbins) qui dansent avec aplomb, cet accordéon scandinave (Cynthia Hopkins) qui frappe à la porte de l’Europe de l’Est : n’est pas Palace qui veut, mais Begushkin s’en moque, il a déjà élu domicile ailleurs.