Jimmy Tamborello, le cerveau à trois têtes derrière Postal Service et Figurine a réactivé son projet laptop Dntel, escorté de quelques voix de l’indie folk. Dumb Luck ou lorsque apesanteur ne rime pas avec musique d’ascenseur.


Ne pas se méprendre sur les six longues années qui séparent les retrouvailles avec Dntel, Jimmy Tamborello n’a pas chômé entre temps. On peut même qualifier le californien d’hyperactif : outre ses remixes remarqués pour Flaming Lips et Bright Eyes, on a pu le croiser en compagnie de son trio dancefloor James Figurine et surtout l’incontournable Postal Service, duo électro/pop lancé par procuration avec Ben Gibbard, la voix et le moteur de Death Cab For Cutie. En dépit du carton inattendu de Give Up aux Etats-Unis, la collaboration avec Ben Gibbard est pourtant restée lettre morte jusqu’a ce jour, le rocker donnant priorité à son groupe.

Evidemment, avec ce retour aux affaires de Dntel, la comparaison avec Give Up est tentante. On pourrait penser que Tamborello entend ainsi renouveler la franchise en s’entourant de nouvelles voix/collaborations et ainsi pallier l’absence de Ben Gibbard, mais c’est oublier que Life Is Full of Possibilities en 2001 usait déjà de ce système (le tandem s’était fait la main sur un titre du premier album de Dntel). Retrospectivement, Dntel demeure « le » laboratoire de Tamborello, un terrain expérimental où les progressions mélodiques s’autorisent des figures électro-libres sans harnais. A l’instar d’un Four Tet ou encore Fennesz, Tamborello est un impressionniste du son qui se nourrit de matières sonores impromptues (drones, bumpers de flipper, jeux vidéos, parasites, Koto…) débouchant sur des nappes sensorielles, rêveuses et délicates, heurtées par des rythmiques acoustiques et des guitares électriques filantes. Et même si ses textures n’ont pas vraiment mué depuis 2001, leur modernisme intact laisse le sentiment d’écouter une musique de demain, qui n’a pas encore été écrite.

Sur ce second opus, les musiciens conviés appartiennent de préférence à la ligue indie folk, ce qui donne – on vous le donne en mille – un disque de folktronica. Les crédits d’abord sont alléchants : Conor Oberst (Bright Eyes), Edward Droste (Grizzly Bear), Jenny Lewis (Rilo Kiley, aussi intervenue chez James Figurine) mais aussi des électrons libres tels que Valerie Trebeljahr et Markus Acher (Lali Puna), la diva californienne Mia Doi Todd et enfin Mystic Chords Of Memory (abritant Chris Gunt, son ancien compagnon de Beachwood Parks qui signent tous deux le titre le plus acide, « Dreams »).

Sur la pochette de Dumb Luck, l’ambulance laisse maintenant place à un extincteur, mais les rayures rouges et blanches font encore office de relais, comme pour maintenir l’idée de signal, de gyrophare, voire d’« accident heureux » produit par ces étranges combinaisons musicales. D’emblée, les collages hybrides et autres fritures radioactives ont conservé de leur fascinant pouvoir d’attraction. Le maestro folktronic se réserve d’ailleurs le chant sur ce premier extrait. Sa voix n’a pas le cachet singulier du suivant Edward Droste (les vocaux ésotériques de « To A Fault » pourraient sans nul doute figurer sur un disque de Grizzly Bear), mais ses soupirs timides communiquent. Conor Oberst parvient à se dévoiler à son tour sur « Breakfast In Bed », avec ses cordes et ses curieuses harmonies en suspension. Quand à « I’d Like To Know », enregistré avec les deux membres de Lali Puna, l’alchimie ne tient pas vraiment ses promesses et on se contente d’une petite étincelle.

Sur le plan des voix féminines, la complicité s’avère plus fructueuse. La boîte à musique où danse la petite fée Jenny Lewison sur “Roll On” répand de la poudre de Perlinpinpin sur nos yeux. Malicieux et enfantin. Autre belle rencontre, avec la soprano mutine Mia Doi Todd’s sur “Rock My Boat”, dont les signaux de fumée semblent provenir des cheminées d’usine trip-hop de Bristol.

Hormis ce petit nuage gris, Tamborello n’est intrinsèquement pas un esprit pessimiste. Sa musique ne broie pas du noir, au contraire, elle provoque la rêverie, l’errance docile. D’ailleurs, à trop forcer ce trait, Dumb Luck se disperse un peu – à moins que ce ne soit nous qui perdions le fil. Il n’empêche que lorsque l’énergie est canalisée, celle-ci procure quelques purs rayons de soleil. Une insolation, c’est justement ce qu’il nous manquait en ce mois de juillet terriblement gris.

– Le site de Jimmy Tamborello

– La page Myspace de Dntel