Quand un spécialiste du marketing, le bordelais Michaël Korchia, se souvient de son enfance, ça donne un concept. Un bon concept, c’est d’abord un nom, une marque : ici c’est Watoo Watoo, soit le titre d’un dessin animé du début des années 80 relatant les exploits d’un oiseau rieur, Watoo Watoo donc, capable de se démultiplier à l’infini pour vaincre le mal – dessin animé que seuls les trentenaires peuvent se remémorer avec nostalgie. Un bon concept, c’est ensuite et surtout un produit décalé : là c’est de la musique dont on parle, une certaine idée de l’easy listening, cette musique qui doit autant à la bossa nova qu’à Michel Colombier. Et qui est surtout un tantinet kitsch. L’effet est garanti, manque plus que sa mise en valeur. Pour cela, rien de tel qu’une voix féminine, et c’est Madame qui s’y colle, Pascale de son prénom. Et la voix de Pascale est exactement taillée pour l’easy listening, sucrée, timide, en retrait. La Fuite est déjà le quatrième album de Watoo Watoo si l’on exclut le LP inaugural. Quant aux chansons, elle sont à l’avenant, des petites pièces inoffensives, appuyées par des rythmes légers, ourlées de guitares aériennes, et regorgeant de nombreux claviers. Watoo Watoo voue un petit culte à Felt, ce qui se vérifie par un certain anachronisme de bon aloi apporté par des claviers plus 80’s que 60’s. Sinon, tout est très bien joué, rien ne dépasse, le ton ne monte jamais. Il y est encore et toujours sujet d’espoir, de temps, d’attente, de rues, de rendez-vous, de pluie et de départ. On est bien loin de la pop ambitieuse et spatiale de Holden ou du décalage et de la poésie d’un Katerine période Mes Mauvaises Fréquentations. Quant à Paul Desmond, maître incontesté en la matière, il n’est même pas évoqué ici. Seule « Un Ami » conclut cet album en beauté, un titre pop complètement à contre-courant, un morceau d’une classe inouïe qui laisse espérer que Watoo Watoo pourrait un jour délivrer un disque entier de cet acabit. A part ça, les amateurs d’easy listening français en auront largement pour leur argent, les autres, comme d’habitude, passeront leur chemin, éreintés par ces disques inoffensifs et un tantinet conservateurs.