Manu Chao, avant d’être l’un des plus gros vendeurs de disques de la planète, est un homme essentiel. Il est un des seuls, sinon le seul à allier le geste à la parole, à savoir se séparer des majors pour se débrouiller avec ses (gros) moyens et livrer à sa guise ses chansons désespérées. Car c’est bien de désespoir qu’il s’agit chez l’ancienne figure de la Mano Negra. Que ce soit avec des petites mélodies joliment bricolées ou sur des brulôts rageurs comme en offre La Radiolina, il n’en finit pas d’éreinter les puissants de ce monde en déclamant qu’il serait temps de sauver ce qu’on peut encore sauver. Car sous ses textes simplistes, voire enfantins, Manu Chao continue à nous bousculer dans notre petit confort occidental. Il n’a jamais caché sa crainte des USA et son désamour pour le mode de vie des pays riches. Et pourtant, c’est bien à nous qu’il s’adresse, pas aux peuples démunis auprès de qui il vit et auprès de qui il est certain d’avoir du succès. Sa grande force à capter les foules tient à un sens inouï de la mélodie et du son. Preuve en est son nouveau single, l’urgent « Rainin In Paradize » qui adresse un texte d’une violence rare aux dirigeants des USA, tout en s’y rendant pour se frotter à un public qui l’ignorait jusque là – bilan : il a mis par terre la foule du Coachella Festival. Ainsi va La Radiolina, de bombes assassines en ritournelles universelles. Visitant le Mali, Cuba ou la Sicile – on y retrouve notamment le génial Tonino Carotone -, Manu fait siennes les musiques du Monde, avec toujours cette capacité unique à reconstruire un univers profondément humain et personnel tout en délivrant un propos hautement politique. La Radiolina demeure toutefois un album moins facile d’accès que ses prédécesseurs, le prolongement logique du parfait Casa Babylon, le dernier album de la Mano Negra, le plus ambitieux aussi. Triste et mélancolique sur disque, cette musique est réellement taillée pour la scène, champ d’expression idéal pour Manu. Essentiel on vous dit.
– Le site de Manu