Une affiche placardée à l’entrée annonce «Concert complet ce soir » décourageant tous les malchanceux qui se sont pointés à l’improviste dans l’espoir d’acheter leur billet sur place.
Alors, à moins qu’ils ne trouvent un revendeur de dernière minute errant sur le trottoir, et ça a l’air mal parti, peu de chances qu’ils se joignent à la centaine de privilégiés qui verront jouer Devandra Banhart et sa troupe sur la petite scène de l’Européen en ce 21 août.
Phénomène plutôt rare d’ailleurs que de se retrouver en comité si restreint autour de notre poète vagabond, surtout depuis qu’il a gagné en notoriété. Fait exceptionnel donc, que l’on doit certainement à sa volonté de nous présenter en avant première Smokey Rolls Down Thunder Canyon son nouvel et sixième album qui sort le 25 septembre prochain. Sa playlist du soir est d’ailleurs presque exclusivement composée d’extraits de ce dernier, à quelques exceptions près.
En guise de première partie, une londonienne timide à la voix puissante mi-folk mi-soul nous offre une courte session de ballades perfectibles mais intéressantes.
Enfin, flanqué de ses acolytes néo-hippies, voilà que Banhart fait joyeusement son entrée, yeux noircis au khôl, fringuant et souriant, plus barbu et chevelu que jamais…
Il ouvre le bal par “Marigold”, puis enchaîne d’un timbre chevrotant sur “It’s A Sight To Be Hold” dépouillé et mélancolique, dans le style intimiste de ses débuts mêlant guitare épurée, instrumentation minimaliste et envolée poétique… Mais sans grande conviction, l’aurait-il trop souvent chantée ? La suite du concert donne la priorité à l’orientation artistique que Devandra Banhart choisi de suivre depuis Cripple Crow, à savoir une musique riche et festive mais un peu « brouillon » ce soir, qui jongle entre les accents reggae-dub de “The Other Woman”, la tonalité psychédélique de “Samba Vexillographica” , “Long Hair Child” , “Quedate Luna” – plus anciennes – et “Shabop Shalom” , assez folklorique. Titres sur lesquels Banhart, même s’il est plus calme que d’habitude, reste malgré tout l’« entertainer » que l’on connaît. Son aisance naturelle nous démontre encore une fois qu’il est une sacrée bête de scène, emprutant ses attitudes tantôt à Robert Plant, tantôt à Jim Morrison ou aux frères Robinson. ll se déhanche en rythme, secoue sa tignasse brune et joue de son vibrato vocal à la plus grande satisfaction de ses groupies parisiennes.
Les nouveaux morceaux se suivent : “Bad Girl”, “Freely”, “Remember”, “My Dearest Friend”, “Carmencita”… mais avec un peu d’hésitation de la part des musiciens qui ne semblent pas suivre la playlist dans le même ordre et des mises au point de dernière minute s’avèrent souvent nécessaires. Une certaine désinvolture règne parmi les membres du groupe et ce n’est pas pour nous déplaire : le micro passe de mains en mains, tour à tour Noah Georgeson et Greg Rogove interprètent les compositions de leur cru qui figurent sur l’album (à noter qu’en plus d’être des musiciens doués, ils chantent également pas mal), le batteur passe au clavier, Devandra prête sa guitare à un special guest et selon la tradition qu’il a lui-même instaurée au fil de ses représentations, invite chaleureusement le public à prendre sa place le temps d’une chanson. Un volontaire le prend au mot et improvise (ou pas, ça reste un mystère) un refrain. Bref, on aurait peut-être préféré un Mister Banhart moins partageur, histoire de l’entendre, lui, davantage.
Entre deux mots d’esprit en anglais que la salle ne comprend pas toujours et quelques problèmes techniques qui font marrer Banhart, un certain Christophe a même la chance, dans ce désordre, qu’il lui souhaite son anniversaire (comme en 2004 au café de la danse, où il s’etait laissé aller à une impro sur ce même thème « I know that is somebody’s birthday tonight and I know somebody’s gonna celebrate tonight, somewhere…« ).
Retour plus sérieux, ensuite, à une folk épurée et expérimentale avec le magnifique « Sea Horse » de huit minutes comme le “Driftin’” de Tim Buckley qui l’a peut être inspiré.
Le bouquet final est une reprise peu surprenante d’“I Feel Just Like A Child”, toujours rythmée et colorée, mais dont on s’est peut être un peu lassés, avant un unique rappel trop court sur fond de berceuse à la guitare acoustique, à la fin duquel Devandra Banhart, torse nu, salue le public, fredonne un dernier « Happy Birthday Christophe » et puis s’en va….