Les bons mots font-ils les bons disques ? Assurément oui, serions-nous tentés de répondre à l’écoute de ce troisième album de Marc Delmas (son second paru chez Cristal Records). Cet auteur, compositeur et interprète les manie avec une telle dextérité et sensibilité que chanter semble tenir d’un jeu jubilatoire auquel nous sommes conviés à participer, avec la garantie de trouver à chaque fois la partie plus enrichissante. Dans sa bouche ou sous sa plume (il la partage avec trois autres auteurs fort recommandables, G. Lecucq, S. Traumat et C. Dulhoste), les phrases tracent un horizon que l’auditeur, pendu aux mots comme l’oiseau à sa branche, embrasse avec l’espoir, rarement déçu, d’y trouver quelques miettes de soi. Car l’air de rien, Delmas n’en brasse pas, de l’air. Ajournant les tics d’auteurs, plus rusés que lettrés, qui ont fait de la nostalgie une poule aux oeufs d’or, il saisit l’air de son époque à travers le prisme d’un regard décalé qui n’a que faire de marcher au pas de la norme. « Pas d’urgence à courir » chante t-il sur “Pas besoin”. Avec Bloody Mary, il met plutôt en avant son sens de l’observation d’une grande finesse d’esprit, prend son temps comme il l’entend et fait preuve d’une pudeur tout à son honneur (« On s’touchera pas trop vite, pas la bouche tout de suite/On s’attend/Les sens se rappellent, les sens s’amoncellent »). Il hume le monde comme un bouquet composé de mille senteurs qui ne serait pas encore complètement fané (“Nos meilleurs souvenirs”), et livre au passage quelques vérités bien pensées dont on se féliciterait qu’elles puissent inspirer certains fous de Dieu belliqueux, adeptes du nucléaire (« Tu consoles les guerres/De ne servir à rien/Sauf faire mourir nos mères/De chagrin »). A l’instar de Matthieu Booggaerts ou de JP Nataf, avec lesquels il cultive une modestie emprunte de poésie et un humour plein de malice (“QIQI” ou le génial “La Cacugne” qui évoque Georges Brassens), Marc Delmas et ses deux compères musiciens (Christophe Jodet à la basse/contrebasse, Bertrand Noël à la batterie/glokenspiel), aussi discrets que complices, réenchantent notre quotidien en douceur, un peu inquiets, un brin espiègles, tout simplement humains.
– La page Myspace de Marc Delmas.
– Le site de Cristal Records.