Avec le très sombre Heavy Deavy Skull Lover, le combo acid rock présente quelques signes somatiques inquiétants et des troubles du comportement. Bien qu’éprouvante, cette expérience extrême nous entraîne aux confins de la névrose junky. Vous êtes prévenus.
Rejetons barrés de la scène acid-rock californienne au même titre que les turbulents Brian Jonestown Massacre et Black Rebel Motorcycle Club, The Warlocks traînent pareillement la réputation d’être des clients difficiles, totalement incontrôlables. Leur dernier méfait en date, Heavy Deavy Skull Lover, n’est pas une mince affaire non plus. Après le parti-pris mélodique de Surgery (2005), ce quatrième opus est plus complexe, nauséeux, d’une noirceur abyssale. Doit-on voir là un phénomène de rejet consécutif à leur éviction de chez Mute ? Entretemps, The Warlocks s’en sont retournés dans le giron indépendant en signant chez Tee Pee Records, fief des combos acid rock/stoners de la côte Ouest. Et à l’écoute de Heavy Deavy Skull Lover, des leçons de marketing tirées de leur passage dans la subdivision indépendante d’EMI avec les très bons Phoenix et Surgery, le démon Bobby Hecksher n’a finalement pas retenu grand-chose ou n’en a cure (un comble tout de même, la cure…).
Gageons qu’il aurait été difficile d’instaurer un climat plus dépressif et séquestré avec la surcharge des line ups précédents. Depuis ses débuts en 1998, plus d’une vingtaine d’apôtres ont défilé en ses rangs. Mais suite à d’énièmes conflits internes, le combo dirigé d’une main ferme (pleine d’amphets) par Bobby Hecksher est désormais réduit à un quatuor, avec à ses côtés la bassiste/vocaliste Jenny Fraser et ses deux batteurs Bob Mustachio et Jason Anchondo. Les huit compositions additionnées aux deux hidden tracks – allez savoir pourquoi deux ? – qui découlent de cette formation serrée n’ont rien d’hospitaliers. Plus malsain tu meurs, et c’est bien le cas ici.
Heavy Deavy Skull Lover fait l’effet d’un mauvais trip, c’est un disque cadavérique : les guitares sont malades, les harmonies généralement aux abonnés absents, ne parlons même pas du chant qui a disparu sur plus des deux tiers du temps prescrit. Point non plus de singles pour faire bonne figure à la “Just Like Surgery” ou « Shake the Dope Out ». De toute manière, vu l’état de santé piteux présenté ici, ce serait hors contexte.
Les premières salves électriques sont éprouvantes et s’apparentent à une escalade cauchemardesque. “Valley of Death” assène des arpèges baroques comme un Blonde Redhead des débuts, la voix cafardeuse et décadente de Jenny Fraser accentuant cette impression de malaise. Pour faire déguerpir les âmes chastes qui ont tenu jusque là, rien de tel qu’un instrumental (“Moving Mountains”) qui développe sa gangrène sur plus de 11 minutes : accordées minimum cinq tons en-dessous, les guitares sont pesantes, apathiques, puis montent progressivement au créneau dans un véritable déchainement de violence stoner-rock. On est plongé dans un coma profond lorsqu’apparaît pourtant un espoir, “So Paranoid”, marche nuptiale tendance hallucinogène entre le Velvet Underground et les Spacemen 3. Etrange sensation d’apesanteur qui se veut paradoxalement d’une lourdeur écrasante. La séance de torture devient hypnose avec la triplette ensorcelante “Zombie Like Lovers”, “Dreamless Days”, et surtout “Slip Beneath”, huit minutes tout en hallucinations spectrales, batteries péplum, miroitements d’arpèges saturés et cette voix féminine, au loin, qui semble s’approcher mais qui ne fait que reculer.
“Interlude in Reverse” nous réveille brutalement au son d’une guitare électrique qui se prend pour une torche soudant dans le fracas d’une usine sidérurgique. Au bout, la faucheuse réapparaît, décidée à nous emporter cette fois de la manière forte sur “Death I Hear You Walking”. On comprend alors trop tard que ce réveil n’était qu’illusion. Bienvenue en enfer.
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