Après les errances des années 2010, l’étalon indie rock de Caroline du Sud a retrouvé de sa superbe sur son sixième album.


Il y a des retours auxquels on ne croyait plus. Seize ans après la secousse tellurique provoquée par Everything All the Time (2006), le groupe Band Of Horses, emmené par son leader Ben Bridwell opère pourtant avec Things are Great un come-back qui va en réconcilier plus d’un. Car il faut le concéder, depuis les années 2010 entamées avec Infinite Arms au très consensuel virage americana, la formation de Caroline du Sud ne nous faisait guère plus vibrer. A chaque nouvel album, on guettait cette étincelle, cette intensité qui exaltait des chansons telles que The Funeral, Is There a Ghost ou The Great Salt Lake. En vain.

Why Are You Ok (2016), dernier opus en date et cuisant échec sur toute la ligne, eut au moins le mérite d’une brutale remise en question, suramplifiée par les défections consécutives du batteur Bill Reynolds et du guitariste Tyler Ramsey. Un mal pour un bien. C’était oublier que Ben Bridwell est et demeure le seul maître de sa horde sauvage. Il le démontra de manière flamboyante dès le deuxième album, Cease to Begin (2007), enregistré totalement sous son contrôle suite au départ du guitariste Matt Brooke. Car, rétrospectivement, les choses ont commencé à se gâter dès lors que la démocratie s’est installée au sein de Band of Horses, les compositions peu inspirées des autres membres diluant l’intérêt du groupe. Il était nécessaire que Benjamin Bridwell redevienne un despote. Oui, voici le seul cas de figure où la dictature a du bon.

De fait, ce sixième album a été enregistré avec un quintet remanié dont ne subsiste de l’ancien line up que le claviériste Ryan Monroe. Bridwell n’a d’ailleurs pas jugé nécessaire de mentionner ses nouveaux membres sur les crédits du disque… Le leader prend ainsi les rênes de la production – avec l’aide toutefois de Jason Lytle, Dave Fridmann et Dave Sardy – épaulé par pour la première fois par l’ingénieur du son Wolfgang Zimmerman, et dont le partenariat avec ce dernier s’avère tout aussi fructueux que celui avec le magicien Phil Ek (The Shins, Modest Mouse) sur les deux premiers albums de la période Sub Pop.

Longuement peaufiné durant la pandémie, ces dix nouvelles compositions sont imbibées d’une grande part d’introspection, Ben Bridwell semblant avoir puisé l’inspiration dans les départs successifs au sein de sa formation (les mélancoliques In the Hard Times, In Need of Repair, You Are Nice To Me).  Premier point notable, l’ex Carissa’s Wierd s’est réconciliée avec cette réverbe crépusculaire qui transfigurait sa voix sur Everything All the Time et Cease to Begin. On retrouve ce son panoramique oublié depuis une décennie, profondément mélancolique, qui enveloppe aussi ces guitares accordées de manière non standard. Avec cette intime conviction que cette réverbération possède un pouvoir surnaturel sur la voix de Bridwell, qui sait parfaitement en jouer. Le résultat est flagrant dès “Warning Signs” – inspiré de l’extinction de voix de Bridwell en plein concert en 2016 – une bravade indie rock qui se donne des airs d’hymne à la Funeral, et ça fonctionne.

L’ambiance de l’album se veut très électrique, guitares folk relayées en arrière-plan. Exit les arrangements country (lapsteel, banjo…) qui avaient tendance auparavant à rendre l’ensemble consensuel. Un retour donc aux fondamentaux qui donne matière à quelques sommets survoltés, tels In Need of Repair, Light ou Warn Signs, où le chant de Bridwell renoue avec ces refrains habités dont il a le secret.

La fin de l’album se veut un peu plus débridée, avec quelques morceaux atmosphériques, comme le quasi dream pop, Ice Night We’re Having, ou encore You Are Nice To Me qui use de claviers et de boîtes à rythme avec une certaine réussite.Things are Great se clôt sur une merveilleuse note nostalgique, Coalinga, où le chant de Bridwell, escorté d’harmonies vocales vertigineuses, n’a jamais semblé aussi habité. Cette remise en selle a fière allure.

BMG – 2022

Tracklisting:

1. ‘Warning Signs’
2. ‘Crutch’
3. ‘Tragedy of the Commons’
4. ‘In The Hard Times’
5. ‘In Need of Repair’
6. ‘Aftermath’
7. ‘Lights’
8. ‘Ice Night We’re Having’
9. ‘You Are Nice To Me’
10. ‘Coalinga’