Deuxième réussite en solo pour le prodige pop brésilien, aux mélodies et orchestrations confondantes de grâce et de volupté.


Le 5 septembre dernier, quelques privilégiés ont pu entendre le doux et délicieux timbre du brésilien Tim Bernardes en première partie des Fleet Floxes, dans le cadre classieux de la salle Pleyel à Paris. Le compositeur et interprète Paulista s’y produisait seul, accompagné de sa guitare. Une formule intimiste, loin de la luxuriance des orchestrations qui ornent les chansons de son deuxième album solo, Mil Coisas Invisiveis.

Voilà cinq ans, son premier album solo Recomeçar  (« recommencer »), sorti d’abord en catimini sur Bandcamp, a rapidement été rattrapé par un extraordinaire engouement critique qui résonna bien au-delà de ses frontières et des océans. Régulièrement qualifié de nouveau trésor de la MPB (musique populaire brésilienne), le membre du trio rock psychédélique O Terno, se voit sanctifié en collaborant avec les légendes tropicalistes Tom Zé et Gal Costa. Le rei Caetano Veloso lui-même n’est pas en reste et se répand en louanges à son égard, vantant « une merveille d’harmonie, de contrôle, de raffinement, d’exécution instrumentale et de liberté dans la manière élégante de s’approprier la scène ». 

D’ailleurs, le rapprochement avec le chanteur bahianais exilé de Transa s’impose comme une évidence, pour cette écriture légère et raffinée qui emprunte autant à la pop anglophone (la pop symphonique d’Abbey Road, mais aussi pour Bernardes l’indie folk des années 2000, tels les Fleet Foxes, Kings of Convenience et Devendra Banhart), qu’à ses racines natales mutuelles – rajoutons en plus des cités plus haut Milton Nascimento et Chico Buarque.

Le jeune trentenaire à la silhouette fluette et aux lunettes rondes façon Lennon, assimile avec une aisance confondante toutes ces références, tout en parvenant à se forger une identité propre, sans équivalent contemporain. Si le socle, l’écriture se veut garante de modernité, le nappage préfère le goût de l’intemporalité, en usant d’audacieuses orchestrations, dominée par des instruments à cordes. 

Son deuxième album Mil Coisas Invisiveis, déjà disponible depuis mi-juin en streaming, sortira au format noble du microsillon le 28 octobre. L’occasion de revenir sur ce joyau, dont toutes les critiques s’accordent à saluer un nouveau chef-d’œuvre du génie paulista. Sur le fond,  Mil Coisas Invisiveis reprend les mêmes fondations que Recomeçar, mais avec une dose de luxuriance supérieure dans les arrangements, et un songwriting qui a encore grandi, désormais tutoyant la perfection. A l’instar de « Meus 26 », qui démontre une étonnante maîtrise de l’espace et des silences : les violons interviennent furtivement, apparaissent puis s’effacent, servant aussi justement que possible la dramaturgie et l’intensité du morceau, plutôt que faisant office d’un simple décorum. 

Un sentiment rare de plénitude nous enveloppe dès le bien nommé « Nascer, Viver, Morrer » (Naître, vivre, mourir). Ce chant à la douce sérénité soutenu par quelques élégants accords boisés ou un piano délicat, possède des vertus réparatrices à qui veut s’y essayer. On défie quiconque de rester insensible devant « Olha » splendeur escorté de cordes vertigineuses, à la beauté et gravité stupéfiante… Mais encore l’enchantée et bien nommée « A Balada de Tim Bernardes »…. ou la berceuse pop « Beleza Eterna »… tandis que Falta vogue davantage vers les tempos langoureux d’un What Going On.

On pourrait continuer de disserter sur le reste de ces quinze compositions, mais ce serait gâcher un peu le plaisir de la découverte. On se contentera de dire que la saudade de Tim Bernardes est une des plus belles choses entendues cette année.  

2022 Psychic Hotline/Modulor

Tout l’album est en écoute sur Bandcamp et sur YouTube (sortie physique le 28 octobre)

Tracklisting :

  1. Nascer, Viver, Morer
  2. Fases
  3. BB (Garupade Moto Amarela)
  4. Realmente Lindo
  5. Meus 26
  6. Falta
  7. Velha Amiga
  8. Olha
  9. Esse Ar
  10. ÚltimaVez
  11. Mistificar
  12. A Balada de Tim Bernardes
  13. Beleza Eterna
  14. Leve
  15. Mesmo Se Voce Nao Ve