Avec trois albums à son actif en seulement 11 ans de carrière, Conrad Lambert pourrait passer pour un escargot. Il n’en est rien, le songwriter est sans cesse en mouvement. Après un trou d’air de six ans qui a suivi la révélation de son premier album, il nous est revenu par la grande porte avec Loveheart en 2005, disque d’hybrid folk contemplatif et solitaire, un nouveau départ. On le croyait posé pour un temps, et le voilà qui franchit à nouveau le palier avec ce troisième chapitre, Moi Et Mon Camion, prêt à partir vers une nouvelle destination inconnue. Solitaire mais pas sédentaire, Merz trace son chemin.
Avec un titre pareil, le natif de Bristol serait-il devenu francophile ? Pas tout à fait. Le nom de l’album est emprunté à la société de déménagement qui a trimballé ses meubles au fil de ses derniers changements d’adresses. Ce logo de transport lui était devenu un compagnon de route de substitution, à la fois distant et proche, un peu à l’image de Wilson, le ballon de Tom Hanks dans Seul au Monde. Moi et mon camion est pour le folker un nouveau motif de pérégrination, cette fois tourné vers le monde – tout le monde. Un disque d’ouverture qui part à la rencontre des gens, honoré par une écriture qui n’a jamais été aussi fluide et généreuse.
On sent le musicien dans son élément, soignant encore ses textures électro modernistes qui caractérisaient tant Loveheart, atteignant une certaine forme de perfection dans son art des arrangements savamment fondus (violons, cuivres). Quelques admirateurs non moins férus de son ne s’y sont pas trompés et viennent apporter leur pierre à l’édifice de cette fresque onirique electro-folk, dont Paul Hartnoll (Orbital), The Earlies et Goldfrapp. L’espace sonore conséquent érigé procure une sensation d’aspiration profondément mélancolique. L’effet est similaire au passager du TGV fixé à sa vitre, traversant d’immenses prairies verdoyantes, le silence de la cabine contrastant avec la vitesse et la profondeur de champs flouté. Rien ne se distingue clairement, seuls quelques arpèges acoustiques esquissent une direction, comme sur “Silver Moon Ladders,” belle folk-song nébuleuse et ses choeurs célestes qui nous happent littéralement. Tout est d’autant plus troublant qu’il n’y a quasiment pas de rythmique moteur sur une grande partie de l’album, à l’exception de l’électrique “Cover Me” et l’intense “Presume Too Much”, seule composition dotée d’un refrain qu’on croirait sorti de la bouche d’un Joseph Arthur à fleur de peau.
Merz le voyageur est de ses rares songwriters à pouvoir se targuer d’avoir une identité sonore, immédiatement reconnaissable. Son accent nomade, délocalisé entre la Jamaïque et le Somerset, est aujourd’hui l’un des plus émouvants du giron pop (proprement déchirant sur l’épuré “The First & Last Waltz”). Aux dernières nouvelles, il a quitté la côte anglaise pour les hautes montagnes de la Suisse. On attend avec impatience de voir l’expérience qu’il en tirera.
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– Lire également la chronique de [Loveheart->
http://www.pinkushion.com/chroniques.php3?id_article=1684]