Iconoclaste et sans attache, la musique de Barth est à l’image de son auteur : sous un faux air brouillon se cache un esprit parfaitement organisé et aventurier. En 68, à St-Trop’ on était bath, en 2008 on sera Barth.
Cuchillo est un héros mexicain à dimension humaine. Si vous cherchez la définition de cette étrange formule censée introduire ce troisième album de Barth (deux ans après le remarqué Under The Trampoline), il faut écouter le récit de sa vie présentée tout au long de ce prétendu concept-album. Mais qu’il n’y ait aucune méprise, Barth est avant tout un musicien adepte de DIY et du mélange des genres. Pas de chanson longue comme un requiem, pas de textes alambiqués. Pas le moindre soupçon de psychédélisme d’ailleurs, ou alors il n’a pas fait exprès.
Le truc de Barth, c’est de toucher à tout ce qui peut rappeler la fête, la bringue, la chaleur écrasante et même la fumette entre potes au lycée (un comble quand on sait que Barth est si fier de ne pas fumer que ce détail est signalé dans la page qui lui est réservée sur le site de son label Ici d’Ailleurs). Commençant avec le dub cramoisi de “Saliva on my Apple” (oui, Barth cultive un goût certain pour les titres sans queue ni tête), l’album enchaîne sans prévenir ballades folk aux cordes angéliques, ska rigolo, ritournelles pop parisiennes, garage punk Playmobil (oui oui, avec frange en dents de requins et sourire parfaitement convexe), et autre psyché-surf (ah ben tiens, finalement il est là le psychédélisme). On y entend même une trompette jazzy east-coast du meilleur effet sur la langoureuse chanson-titre, un morceau qui donnerait envie de manger du homard avec des couverts de dînette, en tête à tête avec la starlette du moment, couchés sur une plage de galets entre la bouteille de Martini Rosso (à boire avec modération, etc., etc.) et la bouée à tête de canard prêtée par le grand frère.
Mais ce qu’on savait déjà, surtout depuis Under The Trampoline, c’est que derrière cette frimousse d’insupportable gamin se cache un vrai songwriter, forcené du travail de surcroît. Sans l’air d’y toucher mais sans se reposer vraiment non plus, le parisien écrit et compose avec une aisance déconcertante, promenant sa petite entreprise au travers des continents et des genres en gardant un niveau remarquable tout au long de l’album. Pas de coup de maître à l’horizon, mais un enchaînement sans faille de chansons bigrement bien troussées, toutes différentes, et toutes attachantes au minimum. Portées par une production au teint hâlé du meilleur effet, signée de son complice de toujours Mike Pelanconi (que l’on a aussi croisé aux côtés de Lily Allen, Gregory Isaac, Dub Syndicate ou Graham Coxon), elles marquent durablement le cortex autant par leur goût instantanément sucré que leur raffinement qui se dévoile au fil d’écoutes successives. Certains passages plus sérieux, à défaut d’être sombres, s’intègrent sans forcer dans cet univers faussement badin, mais sincèrement hédoniste. Et Cuchillo se révèle progressivement à nous, plus profond et plus mystérieux, mais toujours aussi revigorant et attachant sous ce fourmillement d’idées. Un album léger à ne surtout pas prendre à la légère.
Et pourquoi pas St-Barth cet été ?
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