Depuis qu’il a mis un terme à sa fructueuse collaboration avec Sonic Youth, fin 2005, Jim O’Rourke passe le plus clair de son temps au Japon, plus précisément à Tokyo, ville dans laquelle il réside. Si le musicien continue d’enregistrer de bons disques outre-Atlantique (notamment le très politisé Born Again in the USA avec Loose Fur en 2006), d’en mixer (le mémorable Ys de Joanna Newsom en 2006) et de tourner des films (le court-métrage Door – son surnom – réalisé en 2005), il poursuit surtout ses aventures soniques au pays du soleil levant, multipliant les collaborations et projets (Corona: Tokyo Realization en 2006, Prisoner avec Otomo Yoshihide et le live Electric Dress avec Merzbow et Carlos Giffoni en 2007, pour les oeuvres les plus marquantes). Hagyou est ainsi le nouveau témoignage saisissant de pérégrinations musicales hors normes, comme il les affectionne depuis le début des années 1990. Cet album, composé de seulement cinq morceaux, marque une étroite collaboration avec l’improvisateur Akira Sakata (saxophone alto, clarinette basse, piano, voix) et le membre de The Boredoms et OOIOO, YOSHIMIO (percussions, piano, voix), deux japonais habitués à mettre le son au centre de leurs préoccupations esthétiques. Si Hagyou s’inscrit dans une veine ambient assez marquée, le trio a le mérite de dépasser ce postulat musical par trop réducteur et s’attache à élaborer des ambiances mystérieuses qui dérivent lentement vers d’inconnus rivages, aux confins d’un jazz avant-gardiste lancinant, tout en mélodies déliées. Aux claviers, à la guitare électrique et au piano, O’Rourke et YOSHIMIO tissent ainsi un environnement sonore magnétique, dans lequel viennent déambuler le sax alto et la clarinette basse de Sakata, dont le souffle songeur ou plaintif se propage comme une onde, évoluant au grès des reliefs rencontrés, dialoguant parfois avec un chant aérien qui tend à se confondre avec les sons environnants. Régies par une temporalité cosmique, les plages s’enchaînent sans heurts, comme une succession d’états, d’humeurs ou d’impressions fondus les uns dans les autres. Une réussite prégnante.
– La page MySpace de Jim O’Rourke