Ce serait quoi, pour vous, l’album de vacances idéal ? Vaste problématique qu’il convient de ne pas traiter à la légère. Surtout, hors de question de faire le malin en imposant ses dernières trouvailles qui suintent l’égoïsme pointu. Non. Ce serait un disque qui prend l’air, un disque qui se partage. Ce serait un disque naïf, nécessairement pop. Le genre de disque qui rend heureux, que l’on glisserait dans le poste sur la route de la plage, et tout le monde dans la voiture suivrait. Un disque donc d’harmonie(s) qui évoquerait le paradis. Ce paradis rêvé, ce serait bien sûr celui de notre nostalgie, souvenirs d’instants parfaits, du moins comme on se plait à s’en rappeler. Bien sûr, tout le monde a son disque rêvé. A mon tour, plusieurs options s’offrent : une bonne vieille compilation des Rubinoos ferait un sérieux prétendant, 16 Lovers Lane des Go-Betweens, l’unique album des The Sneetches (rien que la pochette est une invitation à la plage !), le premier album solo de Chris Stamey (dB’s) It’s All right et puis les classiques Rubber Soul, le Something/Anything de Rundgren…
Mais si votre serviteur devait jouer franc-jeu, il avouerait que les vacances n’ont pas encore officiellement commencé sans avoir préalablement pris rendez-vous avec le premier album éponyme des Crowded House. Et ça fait quinze ans que ça dure, un vrai rituel. Peut-être pas le genre d’album qui viendrait forcément à l’esprit si un top 10 de tous les temps devait être dressé un flingue sur la tempe, mais bon dieu… quel disque ! Rayon pop song vibrantes, ces Neo-zélandais faisaient pratiquement mouche à tous les coups. Des tueurs. On a que l’embarras du choix : « Mean to Me », l’incandescent “Something So Strong”, “World Were You Live” (pour chanter à tue-tête la vitre ouverte), “Can’t Carry On”, “Hole In The River”…
Neil Finn, c’était le McCartney des années 80, ses refrains dégageaient une vibration enjouée et à la fois profondément mélancolique. Forcément, lorsque les accords du tube interplanétaire “Don’t Dream it’s Over” retentiront des baffles, il y aura toujours un profane assis sur le siège arrière pour faire la remarque : « hey, mais c’est Paul Young qui chante ça !». Vient alors le moment attendu de briller en société, en lui rétorquant du tac-au-tac : « Et bien non petite tête, c’est la version originale, et elle ne fait pas le poids, des millions de fois meilleure ». Et bien sûr, c’est la stricte vérité.
1986, la musique FM a alors atteint son sommet commercial. Lorsqu’on a traversé les années 80 avec les synthés de Cindy Lauper, cette production que l’on a tellement aimé détester dans les années 90, elle reste quelque part ancrée dans notre subconscient. Car, qu’on le veuille ou non, c’est notre jeunesse qui nous rattrape. L’album des Crowded House date de 1986, mais il n’y a pas de synthés dégoulinants, le son est très (trop) clair, imprégné de cette reverb très eighties. Certainement, c’est ce qui le rend paradoxalement très naïf, léger tout en embrassant les mélodies avec une simplicité qui ne se fait plus. Les trois albums suivants, tous excellents, ont un son plus travaillé, moins marqué par ces années-là. Mais allez savoir pourquoi, c’est celui-là qu’on préfère. Et puis il y a un mystère encore irrésolu jusqu’à ce jour, un certain Joe Satriani est crédité dans le livret pour… les choeurs ! M’étonnerait que ce soit le guitar hero chauve, mais après toutes ces années, un doute persiste encore. Seul tableau noir, cette couverture devenue prémonitoire : le batteur Paul Hester porte des ailes d’ange et s’envole. Il se suicidera en 2005.
Two-hit wonder aux USA, pratiquement ignorés en France… les Crowded House auraient pu devenir énormes. Du moins, c’est ce que tout le monde dit. Thom Yorke et sa bande ou encore Johnny Marr sont de ceux-là. Après plus d’une dizaine d’années séparés, Neil Finn a reformé son groupe en 2006. L’album qui a suivi n’est pas aussi glorieux que ses quatre prédécesseurs, mais sur trois ou quatre plages, on replonge instantanément. L’année dernière, le Wembley Arena les a accueillis à bras ouvert. En France, ils ont rempli le sous-sol de la Maroquinerie. Un concert d’anthologie paraît-il. On ne s’en remet toujours pas de les avoir manqués.
– On peut écouter l’album sur le site officiel des Crowded House.