Visage écorché d’Afrique. Du Niger plus précisément. Sur les traces de Tinariwen, Group Inerane, composé de deux guitaristes (Bibi Ahmed et Adi Mohamed), un batteur (Abubaker Agalli D’Amall) et un choeur féminin à quatre voix. Un son de guitares rocailleux et rêche, aux courbes circulaires. Une batterie martiale, parfois proche de la transe, qui en appelle à la révolte. Un chant commun prêt à remuer ciel et terre, à huer les dieux pour les réveiller de leur torpeur. Amplis qui saturent, micros qui sifflent, parasites qui envahissent la stéréo, rires qui fusent, mains qui claquent : la vie qui s’enregistre. Voilà musique survoltée ne s’embarrassant d’aucune génuflexion. Brute de décoffrage, dit-on. Blues dans la tête, garage-rock dans les jambes, touareg dans le coeur. Profondément traditionnelle et, pourtant, immédiatement familière, moderne. Surtout, politique jusqu’au bout des ongles, elle irrigue des chansons de résistance, pas pour refaire le monde mais s’en déprendre, lui voler dans les plumes, mobiliser ses forces souterraines, faire couler l’espoir. Morceaux électrifiés contre l’oppression (à l’instar de ceux de Group Doueh, autre découverte de l’année indispensable, à mettre à l’initiative du label américain Sublime Frequencies), initialement enregistrés sur des bouts de cassettes puis distribués dans les camps de réfugiés libyens du Western Sahara, vers la fin des années 1980. Encore d’actualité et actualisés en live en 2004 et 2007 par le groupe de Bibi Ahmed, adepte des riffs épileptiques dès 16 ans, qui en profite pour revisiter aussi le répertoire de son maître à jouer Abdallah Oumbadougou. Parce qu’il y a de bonnes paroles à ne jamais oublier et à déverser sur les racines du mal qui demeurent toujours sous le sable.
– Le site de Orkhêstra