Shakti inaugure pour Davis Spencer Ware une nouvelle période dans sa déjà conséquente discographie. Il fait ainsi suite au corpus d’albums, pour le moins fécond, de son précédent quartet initié avec Great Bliss Vols. 1 & 2 (1991), puis refermé récemment avec Renunciation (2007), le live enregistré au Vision Festival de New York. De ce quartet, il ne demeure d’ailleurs aujourd’hui que le fidèle contrebassiste William Parker. Le guitariste Joe Morris a remplacé le pianiste Matthew Shipp, tandis qu’à la batterie officie dorénavant Warren Smith (aperçu aux côtés de Gil Evans, Charles Mingus ou Van Morrison). Empreint de philosophie hindouiste, Shakti (un titre qui renvoie explicitement à la divine puissance tantrique) contient cinq compositions originales toutes signées du saxophoniste ténor, dont la reprise d’“Antidromic”, un morceau qui figurait initialement sur Wisdom of Uncertainty (1996). Volonté patente du musicien de ne pas opérer de rupture franche, mais d’inscrire plutôt la musique jouée par cette formation dans la continuité de ses précédents travaux — notamment Balladware (2006). Un tel sentiment se confirme à l’écoute du disque qui, malgré l’apport de sonorités inédites (la guitare de Morris aux tonalités souples et limpides tranche moins qu’elle ne complète et constitue admirablement l’envers harmonique des habituelles envolées volcaniques de Ware), décline une approche spirituelle tendant par moments au chant religieux. Dialectique de la mesure/démesure : la lisibilité du thème d’abord exposé à plusieurs voix et, davantage que par le passé, avec patience, ménage des phases improvisées d’une grande intensité physique, véritables acmés libératoires où le musicien mis un temps en avant est invité, littéralement, à s’élever. Sur “Namah”, le leader officie au kalimba (un piano à pouces africain) et Morris aux percussions, comme pour évoquer des reflets d’Afrique, avant que l’archet aux couleurs plus abstraites de Parker ne distille une inquiétude lancinante. Ware retrouvant alors son saxophone intensifie le propos pour mieux laisser surgir un chant profond qui dérive en une assomption poétique. Un chant lumineux dont on voudrait qu’il ne meurt jamais.
– Le site de David S. Ware
– Le site de Orkhêstra