Parmi les nombreuses formations de l’Allemand Peter Brötzmann, le trio Full Blast — constitué avec les Suisses Marino Pliakas à la basse électrique et Michael Wertmüller à la batterie — sonne comme une des plus furieuses. Second enregistrement du groupe, après un album éponyme paru en 2006, Black Hole est le témoignage d’une double session donnée dans les studios de la radio Zuerich, les 25 et 26 mars 2008. Onze morceaux, en un peu plus de cinquante minutes, comme pour aller droit au but, précipiter la course avant-gardiste d’un jazz hardcore qui édifie des murs du son pour mieux les repousser. L’électricité, ici, n’est pas seulement dans l’air, elle irradie la moindre parcelle de musique jouée avec une énergie inextinguible et une envie d’en découdre avec toute forme d’inertie. La principale particularité de Full Blast, qui n’est pas sans évoquer le Last Exit de Brötzmann dans les années 1980, tient en fait à la présence d’une rythmique d’obédience death metal (Wertmüler fut notamment batteur dans le groupe Alboth !) qui vient dynamiter le free jazz habituel du saxophoniste : ainsi, quand la batterie est exploitée avec un sens de la vitesse et du martèlement sidérants, la basse gronde et impose une surpuissance à toute épreuve. Toutefois, Black Hole ne se réduit pas un déchaînement incontrôlé de forces pulsionnelles, dans la perspective stérile de faire du bruit pour faire du bruit. Il y a bel et bien une sensibilité musicale qui irrigue l’album, et un nuancier sonore exploité avec subtilité. Si chaque morceau épouse une même dynamique ascensionnelle (préparation/acmé/repos), la matière sonore chauffée à l’improvisation se renouvelle constamment. De ce point de vue, l’emblématique et étonnant “Protoneparcel” dénote d’une ambiance lourde et ténébreuse où des masses sonores gravitent avant d’être absorbées par des tourbillons rythmiques stupéfiants qui justifient, à eux seuls, pleinement le titre de ce grand disque tourmenté.
– Le site de Atavistic