Frénétique et frontal, du punk rock texan qui revient à l’essentiel : vitesse et puissance. Un modèle du genre suprêmement jubilatoire.


Cela démarre “All in your Head” au quart de tour et, trente minutes durant, ça ne faiblit pas jusqu’au “Blew my Head” terminal. Quinze morceaux d’énergie brute, comme autant de haïkus punk rock, flux d’électricité passé par le garage, célérité maximale et incontrôlée (quoique). Pas de temps à perdre, le morceau d’après n’attendra pas pour s’embraser, aussitôt achevé aussitôt recommencé, il y a un disque à la poursuite de lui-même à finir, un présent à consumer, des restes de jeunesse à jeter en pâtures aux fantômes.

Quatrième album (le meilleur) pour les quatre de Marked Men (sans The), groupe natif (2003) de Denton, Texas, biberonné aux Ramones, Buzzcocks, Replacements et autres Undertones. Deux guitaristes/vocalistes comme cul et chemise — Mark Ryan et Jeff Burke (ex-Reds) –, une section rythmique qui tabasse — le bassiste Joe Ayoub et le batteur Mike Throneberry. Un art de la concision encore plus affirmé que par le passé : pas un morceau ici qui ne dépasse les trois minutes, la plupart oscillant autour de deux minutes, à peine. Forme absolue de la vitesse, qui voit chaque chanson propulser le groupe vers la suivante, lui ressemblant comme deux gouttes de sueur.

Au point que, de prime abord, Ghosts semble presque composé d’un seul titre étiré de long en long, martelé à l’envi avec le même enthousiasme communicatif, logique obsessionnelle d’un motif binaire puissamment reconduit. Sorte de punk rock obstiné et frondeur, happé par un présent qu’il aimerait ne voir jamais finir, comme pour résister à sa propre mort programmée. Littéralement, sans afféteries ni second degré, Marked Men crache le feu et rejoue la même chanson, celle d’hier et d’aujourd’hui, mais avec un tel enthousiasme et une telle vitalité qu’il n’a de cesse de la faire renaître. En chair et en os — sans gras ajouté et maniérisme revival. Pur geste de dépense physique qui vaut pour lui-même, accélérations tous azimuts qui traversent le temps sans interruption.

Ghosts ne serait qu’une tentative frontale de rock catchy sans tic, aussi éphémère que sans prétention, qu’il nous paraîtrait déjà suffisamment passionnant. Mais ce n’est pas tout : il contient aussi de bonnes chansons, exécutées avec envie et une bonne dose de talent palpable. Tout sauf troussées à la va-vite, en rien inaudibles à force de bruit et décibels déversés à plate couture. Mélodiques jusqu’au bout des riffs, complexes dans leur façon de marier l’électricité des guitares, chiadés quant à l’harmonie des progressions vocales, les morceaux de Ghosts ont beaux être courts, ils tiennent la distance sur la longueur et ne souffrent pas, par exemple, de la comparaison avec ceux de leurs vaillants aînés de The Futureheads. De l’embardée pop rageuse façon Who de “Ditch” aux assauts de guitares cabrées de « Fortune » (avec choeurs émergeant de la furia), en passant par l’addictif “Red Light Rumors”, Ghosts, album qui dégueule sa violence avec un plaisir et une joie insatiables, accumule les occasions de ne pas avoir peur d’y revenir. Rien de plus.

– Leur page MySpace

– En écoute : « Red Light Rumors »

et « Fortune »