Monoliths & Dimensions, le septième album du duo Sunn O))) — soit les encapuchonnés Stephen O’Malley et Greg Anderson –, revêt les atours d’un disque sinon pontifiant, du moins imposant. Précédé d’un silence de cathédrale savamment entretenu, auréolé de la présence de nombreux invités d’ordinaire non affiliés à la communauté du drone doom (dont notamment le tromboniste vétéran Julian Priester, bien connu des amateurs de jazz), orné d’une peinture idoine signée Richard Serra, présenté à la fois comme un aboutissement artistique et un nouveau départ vers des cieux plus éclectiques et ouvertement musicaux (ou moins hardcore, c’est selon), cet album atteste d’une ambition déjà perceptible sur Altar (2006), l’album enregistré avec les japonais de Boris : sortir le metal dronisant de sa gangue esthétique. Derrière la solennité d’un titre volontiers cosmique, voire mystique, qui porte en lui les germes d’autres dimensions, le duo de donner à entendre sa propre vision de l’avenir. Un avenir forcément ténébreux et claustrophobe (l’inaugural “Aghartha”, sur lequel la voix caverneuse et gutturale d’Attila Csihar frise le grotesque), malgré tout promis à de radieuses échappées célestes, comme en atteste “Alice”, épatant dernier morceau en hommage à l’épouse de feu John Coltrane. Durant les seize minutes de cette pièce épique, les habituelles guitares électriques vrombissantes, au son épais, rampant et sursaturé, se laissent progressivement envahir par des présences instrumentales aériennes (une section de cuivres, une harpe, une flûte, un synthé…) qui diffusent progressivement à l’intérieur de la dense architecture sonore jusqu’à un finale apaisé en forme d’aube contemplative. Outre un patent souci d’écriture (mis en exergue par les arrangements avant-gardistes de Eyvind Kang, mais presque déceptif au regard du potentiel instrumental convoqué) et de dramaturgie musicale (l’album épouse une ligne ascensionnelle orchestrée de l’ombre vers la lumière), Monoliths & Dimensions impressionne finalement moins par l’originalité toute relative de ses compositions qu’en raison de sa capacité à réinventer et décloisonner (durablement ?) le son de Sunn O))).
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