Maintenant que The Shins et Rogue Wave ont déserté la maison Sub Pop, il serait temps que les Fruit Bats recueillent enfin quelques lauriers mérités. Davantage considérés comme des seconds couteaux du label de Seattle (sous catégorie injuste à laquelle certains les ont trop vite parqués), la formation d’Eric Johnson, bien qu’inscrite dans une tradition pop americana contemplative, se dote d’une écriture soyeuse qui relève de la plus haute orfèvrerie. James Mercer ne s’y est pas trompé et l’a d’ailleurs recruté dans sa nouvelle monture de The Shins. Pour l’heure, point de nuages gris sur ce quatrième opus après les déjà rayonnants Mouthfuls (2003) et Made in Bones (2005). Tout ici n’est que ciel bleu, tendresse et volupté. Un disque de pop artisanal lové d’harmonies chatoyantes, paré d’arrangements satinés qui empruntent à la west coast insouciante des Mamas & Papas et aux belles embardées vagabondes au piano de Fleetwood Mac. Tout en accords majeurs de guitare sèche, la voix caressante et fluette flirte parfois avec le grain d’un Roger Hodgson (Supertramp), surtout lorsqu’elle est accompagnée d’un piano, notamment sur la chanson éponyme qui exsude une béatitude à remuer les coeurs. Ces pop songs-là ont un sens de la mélodie qui coule naturellement comme un ruisseau, irrésistible et jamais putassière pour un sou, même lorsqu’elles cherchent l’évidence — “The Blessed Breeze”, “Being On Our Own”… Contrairement à son titre, “The Ruminant Band” respire l’air frais de ces groupes sereins, bien dans leurs bottes, et ça s’entend. Nuance : cette pop n’est pas légère, elle rend léger.