Les nouvelles aventures du cultissime Brian Jonestown Massacre à la conquête du dancefloor, ou quelque chose dans le genre. Un détonant bordel organisé.


Ce cintré d’Anton Newcombe a pris depuis quelques temps en grippe Sir Paul McCartney. Sur la bande son cramée My Bloody Underground (2008), il y avait déjà l’épique “Bring Me The Head Of Paul McCartney On Heather Mill’s Wooden Peg”, dont on se passera de commentaires tant les propos sont explicites (bien qu’Alfredo Garcia aurait lui aussi son mot à dire). Le grand cerveau du Brian Jonestown Massacre persiste et signe aujourd’hui avec Who Killed Sergent Pepper ?, toujours non sans un sens de l’humour des plus « particuliers ». Anton Alfred Newcombe « Fjordson » (tel qu’il se fait appeler désormais) s’en prend sans détour à un immense pilier de la culture pop, le chéri Sergent Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Soit. Mais personne n’aurait pris soin de lui dire que Paul McCarney est mort en 1968 ? Ne lui compliquons pas davantage ses profondes réflexions de comptoir.

Concentrons-nous plutôt sur sa musique, granguignolesque temple cosmique, une noisy pop foutraque pas toujours comestible mais que l’on sait capable de fulgurances. Mi-escroc/mi-musicien, Anton Newcombe pourrait bien être l’ascendant rock d’un Jeff Koons, autre maître controversé du détournement pop. Tous deux recyclent les icônes de la consommation de masse pour se les réapproprier et y apposer leur signature. Aussi égocentrique soit-il, le leader du Brian Jonestown Massacre n’est jamais aussi brillant que lorsqu’il réinvente l’histoire, passe au filtre le rock des satanés Stones (l’hommage Their Satanic Majesties Second Request) et les sacro saintes mélodies des Beatles (malgré tout) pour les traduire à travers ses obsessions shoegazy.

Cinq ans après le documentaire rédempteur Dig !, le grand retour discographique signé avec le rugueux My Bloody Underground (2008) noyait sous un déluge de bruit blanc ses chansons, et toute possibilité d’un succès massif pourtant attendu. Par ce geste délibéré, l’imprévisible voire incontrôlable Newcombe entendait rester sourd aux sirènes ennemies du mainstream. Son successeur surprend car nettement plus audible, mais se lance cette fois dans une direction électro-rock inattendue. Le rythme endiablé des nuits berlinoises — où il réside désormais — lui aurait-elle dicté l’orientation de sa dernière progéniture ? Après avoir crépis la façade de l’héritage shoegazing sur My Bloody Underground, voilà qu’il prospecte vers le nord et les dancefloors rock de l’Hacienda, le Madchester des dingos Happy Mondays avec un zest de Beta Band sali.

Le disque est un pavé de 75 minutes, résolument tourné vers les machines et le sampling, bien que les guitares carbonisées imprègnent encore l’ensemble. Ouverture orientalisante sur fond de boîte à rythmes trip hop et grosses nappes de claviers… “Tempo 116.7 (reaching for dangerous levels of sobriety)” risque de dérouter les fidèles rockers cuirassés. Mais en persistant un peu, l’album recèle quelques efficaces pièces hypnotiques, supérieures à la moyenne générale de ses dernières productions. Tel le salement groovy “This is the first of your last warnings”, où un batteur magistral superpose son tempo sur celui disco du “Rock Me” de Bambi Jackson. Côté provoc’, on est aussi servi ave le néanmoins délicieux “Let’s go fucking mental (melodica mix)” qui capture l’hymne grondant et burné des hooligans. Où le génial Will Carruthers (ex Spacement 3) y appose une ligne de basse comminatoire, à faire passer les pseudos lads de Kasabian pour les Jonas Brothers. Et puisque nous ne sommes plus à un détail près en matière de pillage, l’intro de “This is the one thing we did not want to have happen” est pompée sans vergogne sur le monumental “She’s lost Control” de Joy Division. La pillule passée, le couplet bascule dans une dimension « rock industriel dans le cosmos » dont seul Newcombe a le secret. D’autres influences plus loufoques tapissent l’album, tel des paroles en ostrogoth, ou plus surprenant encore “Detka detka detka” chanté en russe et qui nous entraine en traîneau rouge dans la neige sibérienne. Enfin, le mur du son shoegazing est encore passé avec “Our Time” et ses guitares en apesanteur.

Force est d’admettre que l’incurable Brian Joneswtown Massacre vient d’explorer une nouvelle face sombre à son spyché rock trivial, sans se soucier le moins du monde des qu’en dira-t-on. A moins qu’on ne se soit encore fait berner.

– Site officiel

Lire également notre retro The Brian Jonestown Massacre The Brian Jonestown Massacre – Their Satanic Majesties’ Second Request (1996), Thank God for Mental Illness (1996), Take it from the Man (1996), Give it Back (1997) (Flashback)

En écoute « This is the first of your last warnings (icelandic version) » :