Le prolifique Jeremy Jay remet ses mises sur le tapis et sort quasiment dans la foulée du Slow Dance de l’année dernière, un nouvel essai très prometteur. Nom de sa nouvelle giclée, Splash. Petite révision de son dispositif pop avec l’intéressé, avant l’emballement médiatique.
Jeremy Jay est un garçon qui échappe de prime abord à l’impression qu’il fait. Un type trop grand, avec une voix grave et des manières d’enfant. Il veut faire à sa façon, volontiers solennel et affecté, ne s’en laissant pas compter, seul à juger à quel instant rompre la glace.
Usant à d’autres moments de séduction pour arriver à ses fins : parler de son album. Mais n’était-ce pas là, après tout, la raison première de cet entretien…
Pinkushion : Tu as été très occupé l’année dernière. As-tu constaté une accélération des choses depuis ton dernier album Slow Dance ? Est-ce que ta vie est différente ?
Jeremy Jay : Il y a deux ans, ma vie était très différente. Elle a changé maintenant du fait que je suis constamment en tournée et que je prépare en même temps un nouveau disque. Auparavant, les tournées étaient moins intenses. À présent, le rythme est passé à la vitesse supérieure. Je fais deux tournées dans l’année, de deux mois. Donc cette année, je joue durant 4 mois. Alors oui, c’est devenu plus intense ! J’aime tous les aspects d’un concert. Je travaille beaucoup alors je me sens capable de faire ça.
Et qu’est ce que tu préfères ? Être en tournée, ou enregistrer en studio ?
Jeremy Jay : J’aime les deux pour des raisons différentes. Quand tu es en tournée… (long silence) Je pense que tourner et enregistrer sont deux choses différentes. Sans doute lorsque je me prépare pour une tournée, je pense à ce que je vais jouer. J’écris les chansons, la setlist… Pouvoir jouer beaucoup de morceaux devient plus intéressant que ce que l’on fait sur un seul disque. On peut, en quelque sorte, combiner le disque avec le fait de jouer sur scène. Cela devient un spectacle. Je trouve que les concerts sont plus diversifiés : tu peux faire ce que tu veux, c’est très spontané. C’est la raison pour laquelle j’aime ça.
Ton album Slow Dance semblait assez proche du son des années 80, depuis quand utilises-tu les synthétiseurs dans ta musique ?
Jeremy Jay : Si tu écoutes tous mes disques, mon premier 7′ contenait des synthétiseurs. Avant l’album A place where we could go. Donc depuis 2007, j’ai toujours utilisé les synthétiseurs.
Mais on a le sentiment d’entendre plus de synthés que sur le premier album.
Jeremy Jay : Non. Chronologiquement, sur mon premier single “We Were There”, j’utilisais des synthétiseurs et un vocodeur. J’ai ensuite enregistré deux autres singles, “Airwalker” et “AlphaRhythm” qui ont précédé mon premier album A Place Where We Could Go. Il est vrai que ce dernier sonnait très acoustique. Slow Dance et le single “Love Everlasting” contiennent tous deux beaucoup de synthétiseurs. J’aime le piano. Je joue du piano sur tous mes albums à l’exception de Slow Dance. De tous temps j’ai aimé les synthétiseurs.
Mais peut-être que le sentiment général qui émane à l’écoute de ton dernier album est qu’il contient plus de synthétiseurs.
Jeremy Jay : Le premier album et le deuxième sont très différents. Mais mes premiers singles mettaient en avant des synthétiseurs.
Peux-tu nous parler de ton quatrième album à paraître en mai ?
Jeremy Jay : Ok. Le nouvel album s’appelle Splash. Il sonne comme un mix entre les débuts de Pavement, Evol de Sonic Youth (Ndlr: il épelle E.V.O.L.) le tout joué par Siouxsie Sioux ! Il sonne plus « grungy », disco mais avec des guitares très rythmiques.
Joues-tu de la guitare sur cet album ?
Jeremy Jay : Oui. Et du piano, il y a beaucoup de piano, de synthés et des guitares qui sonnent très grunge.
Es-tu accompagné en studio ou bien étais-tu seul ?
Jeremy Jay : Non, il s’agit du même groupe qui joue sur scène et en studio. Ce sont les même personnes qui jouent aussi ce soir (ndlr: concert du 22/02/2010 au Café de la Danse), mais le batteur n’a pas pu venir, quelqu’un le remplace pour ce soir. L’album a été enregistré avec le même groupe, dans un très très bon studio à Londres, Fortress Studios. Le son y est vraiment très bon. C’est sûrement l’album avec le meilleur son que j’ai jamais eu. J’en suis très fier, techniquement parlant. La voix est vraiment nette, les instruments sonnent vraiment bien. La façon dont Robert Erickson l’a mixé et enregistré…. Oui je crois qu’il sonne très bien !
Et pour ce nouvel album, tu nous as dit que tu avais une approche plus « grungy », qu’est ce qui a changé par rapport aux deux précédents albums ?
Jeremy Jay : Il sonne plus libre, une approche plus directe. Slow Dance est plus rigide, plus « tendu ». Celui-ci renferme plus de spontanéité (rires). C’est pourquoi je parle de grunge, parce qu’il est plus direct.
Inspiré aussi par les groupes des années 90 ?
Jeremy Jay : Non ! (rires)
Mais tu nous as parlé de Pavement…
Jeremy Jay : Joué par Souxsie Sioux !… C’est très spécifique. Je répète (ndlr: appliqué, il répète :), l’album sonne comme la rencontre de Pavement avec Evol de Sonic Youth…
Juste cet album de Sonic Youth ?
Jeremy Jay : Oui ! Joué par Siouxsie Sioux. Siouxsie Sioux des années 80 ! Pas celle des années 90 ! Ce n’est pas du tout un album qui sonne nineties. La raison pour laquelle je parle de Pavement, c’est parce ce qu’ils ont une approche approximative de la musique.
Tu n’aimes pas les années 90 ?
Jeremy Jay : Si, mais Splash sonne comme un album des années 80. Pavement a un son très déconstruit. C’est très spontané. C’est comme s’ils se disaient « ah, ok, allons y ! »… C’est la façon dont je vois ce groupe. La raison pour laquelle je me réfère à Evol de Sonic Youth, c’est parce qu’il y a des titres avec des guitares sales, « destroy ». Et je mentionne Siouxsie Sioux car beaucoup de ses chansons ont un beat disco mais avec des guitares (ndlr: il se met à chantonner “Christine”). Il n’y a pas que des guitares, mais aussi des beat disco (ndlr: il mime alors le son d’une batterie disco).
La couverture de ton précédent album me faisait un peu penser aux pochettes des albums solos d’Alan Vega, dans le style fin des années 70. Qu’en est-il de la nouvelle pochette ?
Jeremy Jay : C’est un secret ! (rires)
Les photos ont été prises à Paris même, par le photographe Julien Bourgeois (ndlr : photographe et collaborateur notamment de nos confrères de PoPnews), un très bon photographe. Vous le connaissez ? C’est un très bon ami à moi. Nous avons fait une de ces photos en studio et les autres pour la pochette de l’album, à l’extérieur dans Paris.
À quel endroit à Paris ?
Jeremy Jay : Nous les avons faites au Jardin du Luxembourg. Ça donne une atmosphère un peu mystérieuse, très hivernale…
Tu sembles prêter beaucoup d’attention à l’esthétique de tes albums. Quand tu étais enfant quelles pochettes d’albums te fascinaient ?
Jeremy Jay : Les affiches de films m’inspirent et bien sûr l’esthétique des films…
Quel genre de films ?
Jeremy Jay : L’esthétique des films en général. Mais pas les films actuels ! Pour Slow Dance, je m’étais inspiré des posters de films de John Hughes. Pour celui-ci, il y a une ambiance plus mystérieuse, comme je l’ai dit précédemment, plus hivernale, de par les couleurs. C’est comme un décor. Pour Slow Dance, l’artwork était plus orienté sur ma personne. Ici, il s’agit plus du lieu. Une volonté d’étendre le monde de Jeremy Jay !
Où vis-tu actuellement ?
Jeremy Jay : À Londres.
Et te sens-tu proche des groupes de la scène londonienne par exemple ?
Jeremy Jay : Je me sens très « international ». Je ne réfléchis pas comme ça.
Tu vis à Paris, mais moi je ne vis à Londres que deux ou trois mois dans l’année, et je voyage tout le temps : New York, Seattle, L.A, San-Francisco, Milan, Barcelone, tous les jours… Alors, pour revenir à ta première question si je me sens différent aujourd’hui par rapport à il y a deux ans, je réponds oui, précisément à cause de ça ! Il y a cinq ans, je vivais à Los Angeles, et je ne connaissais pas la signification d’être international. Je ne voyageais pas tant, je n’avais pas fait toutes ces expériences, connaître d’autres villes, d’autres gens, rencontrer d’autres groupes… Alors quand tu commences à vivre de cette manière, tu te sens devenir une part de toutes ces choses, tu partages plus et tu te sens devenir plus proche…
Mais en même temps c’est paradoxal, car tu nous as dit précédemment que tu te voyais comme quelqu’un de très « américain ».
Jeremy Jay : Oui je me sens très américain. Je me suis toujours senti américain et je le réalise encore plus du fait que je voyage. Pas réellement du fait de voyager beaucoup d’ailleurs, mais plutôt de vivre dans différents pays. Quand on voyage, on ne réalise pas tant que ça. Avant de voyager, je n’avais aucune idée de ce que ça impliquait. C’est seulement lorsque je commence à vivre dans un endroit différent que je réalise, dans mon cas, combien je suis américain. Je voudrais ajouter une dernière chose à propos de Splash.
Et pourquoi ce choix du mot « Splash » pour ton prochain album ?
Jeremy Jay : J’aime le mot « Splash » ! (rires). Je ne sais pas…
Il y a un film sorti dans les années 80 qui s’appelle Splash ! Avec une sirène…
Jeremy Jay : Oui avec Tom Hanks et Daryl Hannah… Un très bon film… En fait, lorsque j’ai vu le texte écrit ainsi, j’ai aimé l’allure que ça avait. S.P.L.A.S.H. Six lettres, ça rendait bien !
Sur un T-shirt ça fera super ! J’en achèterai un…
Jeremy Jay : (ndlr: il éclate alors de rire). Oui je trouve ça cool, c’est un bon titre !
Nous avons une question un peu rituelle que nous posons à chaque fois. Quels sont tes cinq albums préférés ?
Tones On Tail – Performance
Santo & Johnny – Sleepwalk
Eddie Cochran – Summertime Blues
Blondie – Eat To The Beat
Siouxsie & The Banshees – The First Several Albums