Comme tombant d’un vieux carnet de notes, The Goner semble posséder les traits d’un itinéraire énigmatique. Côtoyant l’univers folk et country, cette formation suédoise, réunie autour de Daniel Westerlund, offre dans Behold a New Traveler une matière musicale qui survient ou, plus précisément, fait émerger un destin dont la force exige l’attention. Si le détachement par rapport à un cadre sonore conventionnel ne se fait pas sans peine, cela est en partie lié à l’exploitation d’un instrument tel que le banjo, objet immédiatement catégorisé comme exotique. Son utilisation au sein de l’album, et notamment dans “Within The Hour”, “Behold a New Traveler” ou encore “I Traveled Far Away From You”, génère une impression somme toute singulière, qui se donne ici à travers la répétition, articulation en boucle et révélant toute une série de fresques éloignées. Ces dernières ne sont point les territoires désertiques d’un pays rêvé, ni une espèce de fuite pour l’expérience dépaysante. S’il est question d’une route, elle paraît être celle d’un exilé, reproduisant à l’infini le moment de rupture — intervalle réitéré, une coupure que Westerlund tient peut-être de la tradition progressive et psyché de la musique suédoise des années 70, un aspect qu’illustre parfaitement des morceaux comme « Heaven Send You Love » et « En Route ». Dans sa clarté et sa fulgurance, Behold a New Traveler parle à travers le coeur ouvert d’un poète qui s’ignore ; de celui, en somme, pour qui la beauté s’éloigne inéluctablement, laissant derrière elle un visage familier. A mesure qu’elle recule, elle fait du trajet un noeud, une ligne abstraite et qui n’a de sens véritable qu’aux yeux du banni.
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– En écoute : “Bright And Colossal (Risen Wind)”