La pop primesautière de Dominant Legs se pare de ses plus beaux atouts pour éclore enfin sur ce premier Ep, avant-propos gracieux d’une oeuvre en devenir.


Quand Ryan Lynch prend enfin ses quartiers d’été, quittant un temps le giron de Girls où il intervient la plupart du temps en tant que guitariste de seconde main de Christopher Owens, c’est pour pouvoir enfin laisser se développer à l’air libre sa pop personnelle.
Car après l’avoir longtemps couvée et choyée dans l’ombre, afin qu’elle grandisse suffisamment pour supporter la lumière, la voilà prête à s’évaporer loin de son auteur. Parions que celle-ci survivra sans mal aux coups de projecteurs donnés sur ce Young at Love and Life, premier Ep de Dominant Legs sorti sur le label Lefse Records.

Une musique solaire et sincère, en contact permanent avec les échos lointains de l’enfance. Le groupe en provenance de San Francisco a su grandir lentement dans le ventre numérique d’Internet et acquérir ainsi une estime grandissante, aidé par la rumeur sourde des réseaux sociaux — terrain souvent fertile aux formations épatantes.
Intense et fragile, voilà comment pourrait se résumer l’impression première que donne à écouter la musique de Ryan Lynch. Une musique forcément à l’image de son auteur. Car ne nous y trompons pas, si Lynch est le plus souvent admirablement soutenu par la voix délicieuse de sa comparse, Hannah Hunt, Dominant Legs est avant tout son oeuvre. Une succession permanente d’états bouillonnants, où de grands bouleversements viennent charrier pèle-mêle les peurs, les troubles autant que les certitudes.

À l’aide de quelques éléments simples (une guitare, un clavier, quelques congas…), Ryan Lynch, de sa voix chétive et indolente, délivre humblement au monde, sur un ton presque susurré, ses chansons tricotées avec soin, faites d’arpèges clairs et d’entrelacs de guitares cristallines.
Souvent seul maître à bord, le garçon, comme beaucoup de ceux de sa génération, a les yeux définitivement tournés vers cette scène jusqu’à lors tristement sous-estimée de l’indie pop Britannique des mid 80’s. Celle qui avait vu naître autre fois des groupes comme McCarthy, Orange Juice— il y a irrémédiablement quelque chose de cet ordre-là sur le titre « Young at Love and Life » — ou encore Josef K. Une armada héroïque formée sous l’ère Tacherienne par de jeunes chantres à la voix fluette, la Rickenbacker en bandoulière. Des héritiés des Byrds et du Mersey Sound, prophètes d’une certaine esthétique musicale garante des fondations de l’indie pop telle qu’on l’a conçoit encore parfois, et dont aujourd’hui une toute nouvelle génération de jeunes groupes se réclament souvent, tressant ainsi des lauriers aux « beautiful losers » d’autrefois (Felt en tête).
C’est dans ce terreau productif que les compositions arachnéennes de Dominant Legs prennent précisément racine, renforcées par quelques subtiles inflexions funky inspirés de la guitare de Nile Rodgers (Chic). Une musique légère comme de la crème fouettée, qui défie sans mal les lois de la gravité mais qui se trouve aussi par moments lestée par des accents aigus de nostalgie (« Clawing Out at the Walls ») qui instaurent à l’ensemble une douce mélancolie dans laquelle il est agréable de se lover.

Avec ce Ep prodigieux, le groupe Dominant Legs passionne déjà beaucoup les esprits et donne l’envie irrépressible de continuer plus loin le chemin avec lui, afin de voir comment tout ceci pourrait évoluer sur plus grand format.

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A voir, Dominant Legs – « About My Girls » :