Il serait regrettable de passer à côté de ce trio canadien en dépit de sa pochette confectionnée sur Photoshop pour Windows 95. La La Land, ou les matins glorieux de l’americana réverbérée.


Première approche du visuel à la loupe : le décor martien suggérerait-il que nous avons affaire à du desert rock ? La titraille fluo kids pencherait plutôt vers l’electro-pop des Klaxons… Autre piste, le mauvais goût assumé de l’ensemble nous aiguillerait vers la Barbapapa pop de la tribu Yeasayer. Et ne parlons même pas du nom de ce groupe canadien, plus baba cool tu meurs… Pourtant, rien de tout ça ne s’agite dans La La Land. Et nous, pauvres scribouillards accrochés à nos étiquettes toutes prêtes, obligés de faire abstraction de cette perturbante pochette pour savoir de quoi il retourne réellement, et de constater que nous sommes loin du compte.

Plants and Animals est déjà un trio un peu à part sur l’échiquier rock montréalais, assez loin de l’urgence d’Arcade Fire, Wolf Parade ou du post-rock orchestral du label Constellation. Le multi-instrumentiste et chanteur enlevé Nicolas Basque, épaulé par ses camarades Warren Spicer (guitare) et Matthew Woodley (batterie), oeuvrent plutôt dans l’americana chimérique. Le grand rêve américain dopé d’une réverbération létale, de belles envolées imbibées d’une nostalgie ostentatoire.

On est délicieusement perdu dans nos repères, hors du temps, où l’imaginaire construit ses propres idiomes — le crescendo de “Game Show” calqué sur la progression de “Hey Joe” et paré d’arrangements somptueux. Du fétichisme consciemment inscrit dans la mouvance rock seventies, mais qui n’interdit pas pour autant à Plant & Animals de nous livrer de subtiles inflexions aux couleurs tropicalistes : guitare cosmiques et mer d’effets flanger (« Kon Tiki »), claviers vintage bariolés (sur le quasi progressif « The Mama Papa ») et cuivres vacillant d’ivresse (« American Idol »).

Par bien des aspects, on peut aussi trouver en Plants & Animals des similitudes avec le My Morning Jacket post At Dawn, moderniste et aventureux. Sauf que là où Jim James et sa bande échouaient dans leur ambition de faire table rase du passé, La La Land innove dans son propre pouvoir de suggestion onirique. Précis dans son orfèvrerie, Plants & Animals a la patience d’un jardinier lorsqu’il s’agit de faire grandir sa mélancolie. Les chansons du trio affectionnent particulièrement les belles histoires de losers à terre. La scène inlassable du Beautiful Loser qui après avoir touché le fond, criblé de balles, reste héroïquement debout dans un magnifique ralenti — « We’re dying to be friends », s’insurge-t-il sur « Tom Cruz ». Si d’évidence la bande-son est américaine, il ne peut y avoir toutefois de happy end. Du haut de ses six minutes, “Undone Melody” est une ballade lente et résignée à la Big Star, puis grimpe vers une lumière hautement inflammable. Cette acuité dramaturgique exceptionnelle traverse l’album de part en part — et plus particulièrement “Swinging Bells” et “Kon Tiki”. Mais le point d’orgue de cette charge émotionnelle serait peut-être bien le finale de “Celebration”, qui talonne “Karma Police” de Radiohead, c’est dire l’intensité de la chose. De ce fait, La La Land est une terre où il fait bon s’échouer ou se laisser emporter.

– En écoute sur leur Myspace

– Site [officiel->
http://www.plantsandanimals.ca/]

– Plants and Animals, « Kon Tiki » sur YouTube :