Énième rescapé de la vague de signatures tous azimuts qu’opérèrent les majors à l’orée des années 2000, alors à la recherche d’on ne sait trop quel oiseau rare (demandez donc leurs avis sur le sujet à Ron Sexsmith ou Ed Harcourt), Josh Ritter poursuit, vaille que vaille, son bonhomme de chemin en se payant le luxe incroyable de sortir l’un de ses meilleurs albums.
Honnêtement, la perspective d’écouter ce sixième opus du songwriter de l’Idaho excitait autant sur le papier qu’une lecture détaillée des résultats annuels du Nasdaq, ses précédentes livraisons ayant toujours été honorables, mais de qualité quelque peu décroissante, pour ne pas dire passe-partout. De fait, l’effort et le soin visibles apportés à ce nouvel album font plaisir à entendre et l’on retrouve un peu de foi en son auteur. Car là où The Animal Years et, plus encore, The Historical Conquest pouvaient souffrir de déséquilibre dans l’ordonnance de leurs tracklistings, au sein desquels gravitaient trop de morceaux en deçà des capacités réelles de Ritter, So Runs The World Away en impose autrement plus, et voit le songwriter resserrer les rangs en soignant la cohésion de l’ensemble. Pour autant, ce sixième album porte clairement la marque de son auteur et la profusion d’humeurs évoquées, ainsi que leurs colorations respectives, ne laissent aucune place aux doutes : si la plume de Ritter n’est pas toujours la plus caractérisée qui soit, son talent d’arrangeur l’identifie d’emblée.
C’est presque plus fort que lui, pourrait-on dire, ce besoin de faire dans l’emphase, dans l’orchestral alors que son écriture est folk avant toute chose. Folk certes, mais sacrément pop également, lui permettant ainsi de s’offrir nombre d’escapades insolites aérant son oeuvre juste ce qu’il faut pour ne pas tomber dans l’exercice de style. On retrouve, une fois encore, cette énergie et cette ampleur d’obédience springsteeniennes (« Folk Bloodbath », « Lantern ») raccordant timidement Ritter au classic-rock. Ponctuellement, on pourra également penser au Calexico popisant de Garden Ruin, dans cette approche minutieuse de ce qui se produit en arrière plan, créant à plusieurs reprises de savoureux moments de densité sonore. En cela, ce nouvel opus confirme son statut de studieux artiste de studio, élément-clé de tout bon songwriter, faisant régulièrement la différence avec d’autres considérant trop peu cette donnée. L’écriture, quant à elle, est solide sans être frontale, négociant le facteur temps avec beaucoup d’à propos et de concision.
Parler de grand disque serait faire sans doute trop d’honneur à ce bon album mais, il est vrai, malgré tout, que l’accumulation de triomphes mineurs en son sein n’a de cesse de nous faire réévaluer celui-ci à la hausse. Une haute qualité en ces temps d’écoute sur le pouce d’oeuvres qui s’oublient dès que le diamant a quitté le sillon.
– Interview réalisée à la sortie de Hello Starling.
– En écoute : « The Curse »