Auteur d’un des plus merveilleux disques pop de cette année, Cement Postcards With Owl Colors, le quatuor de Portland nous fournit quelques clés pour mieux pénétrer leurs étranges chansons, fardées de reverb élégiaque.
On nous avait prévenus, ils sont méticuleux à l’ouvrage, limite perfectionnistes. Nous avons sollicité le quatuor américain Phantom Buffalo pour sélectionner leur vidéos préférées chinées sur la Toile. Les réponses se sont un peu fait attendre et puis, par un beau matin, notre boite mail s’est remplie de petits textes passionnés, envoyés par chaque membre. Une sélection appliquée, s’attardant dans divers domaines artistiques : de la musique bien sûr, mais aussi des court-métrages animés, des sketches burlesques et autres séries TV nostalgiques… Les grands enfants de Phantom Buffalo nous esquissent leur carte imaginaire, une virée vers le pays d’Oz, échappatoire où se rencontrent Syd Barrett, des animaux parlant et des jouets animés…
La sélection YouTube de Phantom Buffalo
« Pink Floyd – Astronomy Domine at BBC 1 (1968) »
Jonathan Balzano-Brookes (chant, guitares) :
La période de Pink Floyd avec Syd Barrett a eu, et a encore aujourd’hui, une grande influence sur mon écriture. Il existe très peu d’enregistrements vidéo des premiers concerts du groupe. J’aurais aimé pouvoir les voir sur scène, particulièrement lorsque Syd était encore membre. Cette vidéo (de 1967, ndlr) donne une idée assez précise de l’ambiance qui se dégage de leurs prestations scéniques. Il y a même un court entretien avec Roger et Syd, très amusant à voir. La façon dont Syd racontait des histoires à travers ses chansons est, pour moi, très intéressante : ce sont de petits instantanés un peu décousus. Ses mélodies aussi possèdent cette qualité détachée. Elles sont très inhabituelles, mais toujours très entraînantes.
« Neil Young – Like a Hurricane »
Jonathan Balzano-Brookes (chant, guitares) :
Si je devais choisir mon chanteur-compositeur-interprète favori, Neil Young serait mon premier choix. Cette version de « Like a Hurricane » est étonnante. Il y a une forte énergie électrique dans Neil Young & Crazy Horse que l’on peut résolument sentir dans ce clip. Je pense que les chansons de Neil Young ont un don particulier pour évoquer des sentiments et des images que les chansons d’autres artistes n’ont pas. Peut-être que Dylan a le même sens du détail, mais je préfère Neil. Il vous emmène à un endroit et vous raconte une histoire.
« Muppet Show – For What’s it’s Worth »
Jonathan Balzano-Brookes (chant, guitares) :
Il y a quelque chose chez les animaux qui parlent qui m’a toujours fasciné. Quand j’étais enfant, les jouets et figurines que j’avais étaient presque tous des créatures hybrides animal/humain. Les animaux dotés de parole ont toujours été mes personnages préférés dans les livres, films, chansons… et ces personnages ont certainement fait leur chemin dans de nombreuses chansons de Phantom Buffalo. Ce clip des Muppets est vraiment génial. Ces animaux chanteurs des bois font vraiment honneur à la chanson du Buffalo Springfield. Ne trouvez-pas que cet opossum a le charisme d’Axl Rose ?
“Repunzel’s Flight”, by Gustavo Arteaga
Rapunzel’s Flight from gustavo arteaga on Vimeo
Tim Burns (guitare, voix) :
Parmi toutes les techniques de récit, celle du stop-motion demeure pour moi la plus fascinante. Principalement en raison du dévouement sans faille de ses créateurs, nécessaire pour obtenir une animation. Cela tient également à l’interruption du temps et à l’influence sur la cadence et le rythme de la vie, créées par des milliers de petits mouvements de marionnettes.
Le Vol de Repunzel de Gustavo Arteaga est le voyage hallucinant d’un garçon-automate à travers un paysage à la Lewis Carroll. Le protagoniste, est, comme la plupart des enfants, profondément plongé dans le surréalisme de son imagination sublimée ; les rares intrusions dans le monde réel servent simplement à alimenter son univers vif. Comme avec la plupart des animations en stop-motion, il utilise de petites poupées articulées afin de créer l’illusion du mouvement, mais contrairement à d’autres films, le personnage sort d’un univers construit à son échelle pour aller dans notre monde réel. Sur le chemin de la maison de sa grand-mère, il marche à travers une forêt où des arbres et l’herbe apparaissent gigantesques. Je suppose que je m’y identifie parce que le film reproduit l’échelle du jeu, comme des jouets évoluant dans un monde gigantesque. Il a également été tourné en extérieur plutôt qu’en studio, ce qui donne un plus grand rôle à l’imprévu et à l’environnement naturel dans le processus de création.
Je ne sais pas exactement ce qu’Arteaga essaie de signifier ici, au delà de l’idée que se perdre dans ses rêves est une partie importante de la découverte de soi. En en raison de la beauté du son, des images et du mouvement, je me sens immédiatement en empathie lorsque je regarde ce film (encore et toujours). C’est la seule chose que je souhaite atteindre avec la musique et l’art. Mes moyens pour communiquer au quotidien sont pauvres, et pour chaque conversation ratée ou chaque malentendu, j’espère que ceux qui écoutent mes chansons parviendront à s’identifier, au moins partiellement. Ce film rappelle joliment que la pensée et le sentiment peuvent exister dans de telles situations délicates, à l’instar de ces milliers de minuscules fragments de temps. Merci Gustavo Arteaga.
« Tractor music »
Sean Newton (basse) : J’aime tout simplement cette vidéo chaque fois que je la regarde.
« I Love Lucy Ball – Vitameatavegamin »
Sean Newton (basse) : Je ne me lasserai jamais de Lucille Ball. Elle est l’une des meilleures !
« Pretty much everywhere, it’s gonna be hot »
Joe Domrad (batterie) : Ce clip m’a immédiatement fait rire et, en quelque sorte, a ravivé ma foi en l’humanité, que je n’avais, sans m’en rendre compte, en fait jamais perdue.
« Pillgrums »
Joe Domrad (batterie) : Pendant deux années, presque chaque jour (ok, j’ai peut-être manqué quelques épisodes), Grum a fait partie de ma vie quotidienne (Grum est un personnage télévisé pour enfants, dont la série est diffusée aux États-Unis, ndlr). Naturellement, la plupart de mes interactions personnelles durant cette période ont été vraiment difficiles, mais j’assume totalement.
– Lire également la chronique de Cement Postcards With Owl Colors,
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