Le chanteur de Cursive et de The Good Life nous livrait il y a peu un brillant premier album solo, occasion rêvée pour rencontrer ce charmant songwriter, afin de disserter sur ses attentes et autres réalisations présentes ou à venir.
La surprise peut être une arme redoutable. En atteste la parution, guère attendue sur le papier, du premier effort en solitaire de Tim Kasher, plus communément connu pour ces frasques vocales au sein des formations indie-rock Cursive et The Good Life que pour la délicatesse délicieusement pop dont il fait pourtant présentement preuve. L’amplitude de l’onde de choc causée par The Game of Monogamy n’est certes pas immense mais son impact est indéniable et l’on se retrouve à l’écoute de ce disque sonné plus souvent qu’à son tour par la découverte d’une écriture ayant parfaitement assimilé les us et coutumes du courant dit de pop épique et orchestrée.
Dès lors, une fois l’œuvre ingurgitée et proprement digérée, une fois faites siennes ces vibrantes chansons à l’impudeur en apparence salvatrice, comment ne pas avoir en tête le désir de croiser leur auteur afin d’en savoir un peu plus sur leur genèse, sur le pourquoi du comment de leur troublante sincérité de façade ? Rendez-vous fut pris lors de sa venue parisienne pour présenter The Game Of Monogamy en ouverture du concert d’Iron and Wine. Et puis, contretemps, problème d’ordre calendaire et enfin annulation à notre plus grand dam. On croisa tout de même l’espace de quelques instants l’intéressé, qui accepta gentiment de rattraper le coup par mail. Histoire de faire un peu la lumière sur cet opus pourtant déjà bien irradiant.
Pinkushion: Lorsque je t’ai vu à Paris en première partie de Iron and Wine, tu étais seul en scène avec ta guitare pour défendre tes chansons.
Tim Kasher: Ce show parisien est l’un des seuls où je me suis retrouvé tout seul sur scène. Sur l’ensemble de mes dates européennes je suis accompagné d’un groupe mais, hélas, il ne pouvait être présent ce soir-là.
Ce premier album solo, tu y pensais depuis longtemps ?
Non, ce n’est pas quelque chose que j’attendais spécialement de pouvoir réaliser. The Good Life était déjà considéré au départ comme mon projet en solo. Et puis, comme c’est peu à peu devenu un véritable groupe, entre celui-ci et Cursive je me suis retrouvé à être bien occupé ces dernières années, et par conséquent je n’ai pas eu trop le temps pour me pencher sur autre chose.
Doit-on considérer ce disque comme étant un album conceptuel ?Tout porte à le penser: le titre introductif s’appelant “Overture: Monogamy”, la thématique générale de l’album portant sur le couple, la séparation et la monogamie.
Disons que, généralement, j’ai tendance à composer mes albums d’une traite plutôt que de chercher à assembler des chansons n’ayant pas nécessairement de lien entre elles. C’est la méthode d’écriture que je préfère et je comprends parfaitement que cela puisse être perçu comme étant une démarche “conceptuelle”. D’accord, là je contourne la question: donc oui, il y a un thème – un concept si tu préfères – général à l’album. Ceci étant dit, le terme “concept-album” me gène toujours un peu car il évoque souvent les disques surréalistes des années 70 et, bien que j’adore ce genre, mon album n’en fait définitivement pas partie.
Sur quel instrument as-tu composé ce disque?
J’aimerais te proposer une réponse plus exotique, mais 98% de ma musique, que ce soit pour Good Life, Cursive ou pour cet album, est composée sur une guitare acoustique. Je l’admets, je choisis là un certain confort d’écriture ; peut-être trop grand d’ailleurs.
Pour autant, l’orchestration de The Game Of Monogamy diffère beaucoup de ce que l’on connaît de toi, artistiquement parlant, chez Good Life et Cursive.
Oui, je suppose que c’est intentionnel de ma part. L’une des principales raisons qui m’a poussé à faire ce disque est qu’il m’offrait l’opportunité de composer une musique sans avoir un groupe précis en tête. Ainsi, je pouvais être capable de choisir tel ou tel instrument en me focalisant juste sur ce qui me semblait convenir à chacune des chansons afin qu’elle sonne le mieux possible.
Et tu avais quelques modèles ou sources d’inspirations en tête lorsque tu as commencé à composer pour cet album?
Je ne sais pas si cela s’entend mais j’ai été très inspiré par David Bowie. Et puis j’ai aussi beaucoup écouté Philip Glass.
Les paroles me paraissent très intimes et personnelles: sont-elles autobiographiques ?
Elles le sont, mais pas forcément dans le sens où tu l’entends. Je dirais que toutes mes chansons sont des fictions, se basant toujours sur des expériences de vie qui me sont propres.
Il y a beaucoup de cynisme et un fort côté sarcastique dans tes paroles: était-ce justement pour toi l’unique façon de traiter les sujets abordés?
J’ai beaucoup travaillé afin que mon sens de l’humour transparaisse le plus possible au sein de mon écriture. C’était une volonté de ma part, et comme mon humour penche plutôt vers le sarcasme…
D’où vient l’idée de la vidéo de “Cold Love” au sein de laquelle on retrouve d’ailleurs l’actrice Molly Parker (connue, entre autre, pour ses participations aux séries de la chaîne HBO, Six Feet Under et Deadwood)?
L’idée provient d’une nouvelle que j’avais écrit mais que je n’avais pas terminé il y a maintenant quelques années de cela. Molly, je la connais depuis l’époque où j’habitais à Los Angeles, c’est une personne vraiment merveilleuse. Elle s’est présentée sur le tournage sans rien savoir de ce qui l’attendait, je lui avais juste dit que ce serait très désagréable… mais elle a joué le jeu.
Être connu en tant que membre de Cursive et Good Life, c’est plutôt un atout ou un handicap lorsque tu t’apprêtes à sortir ton premier album en solo?
Je dirais que c’est une chose positive car il y a d’ores-et-déjà une base à mon auditoire. Cela apporte un certain confort lorsque tu t’apprêtes à jouer ces chansons pour la première fois sur scène puisque le public présent te connaît et est curieux d’entendre ce que tu as à lui proposer.
Qui a collaboré à ce disque en tant qu’ingénieurs et musiciens?
L’album a été produit par mes soins ainsi que par ceux de Patrick Newbery (membre auxiliaire de Cursive préposé aux cuivres et aux claviers) qui a également beaucoup aidé à la mise en place des arrangements de cuivres et de cordes notamment. Il a aussi joué pas mal de claviers. Matt Maginn de Cursive et Erin Tate de Minus The Bear se sont occupés respectivement de la basse et de la batterie sur les chansons les plus “rock” du disque : leurs prises ont presque toutes été bouclées au cours d’un long week-end. Après cela, Patrick et moi-même avons fini l’album tous les deux lors de sessions étalées sur plusieurs mois en fonction des tournées de Cursive. Pour ma part, je me suis occupé de toutes les parties de guitares ainsi que de certaines lignes de basse.
Y-a-t-il des outtakes de l’album?
Oui, il y en a quelques unes. Je songe même à travailler sur un éventuel album composé exclusivement de celles-ci.
Es-tu satisfait de l’accueil critique et public de ce premier album?
Je ne sais pas vraiment comment répondre à cette question, mes attentes sont si faibles concernant tout ce que j’enregistre. La simple opportunité de pouvoir réaliser un album tel que celui-ci est déjà, à mes yeux, salutaire. J’essaie de toujours garder cela à l’esprit lorsque je cherche à mesurer ce qu’est le succès. En ce sens, pouvoir faire ce travail me semble déjà être un succès.
Ce premier album en appelle-t-il un second?
Oui et pour bientôt qui plus est! Ou plutôt devrais-je dire que je vais m’atteler à un autre très bientôt. Donc, je rectifie, il ne devrait pas sortir avant un petit moment…
Et la prochaine étape désormais te concernant c’est quoi? un nouveau Cursive? un nouveau Good Life?
Ce sera un nouveau Cursive qui est déjà composé et qui devrait être enregistré courant juillet. On espère pouvoir le sortir début 2012.
Tim Kasher, The Game Of Monogamy (Saddle Creek/Affair Of The Heart)