Voguez dans les eaux troubles de Futur Islands et son electro pop aliénée. Avec aux commandes, le chant chaviré de Samuel T. Hering.


Tout le monde peut désormais prédire les modes, devenues une répétition cyclique de l’histoire à peu ou prou 25 ans d’intervalle. La tendance actuelle au retour des claviers cold wave/Post punk après une décennie dominée (en partie) par les guitares, était évidemment prévisible. Nul doute que la résurrection prochaine de la house et du rock façon « Madchester » guette le bout de son nez ! En 2011, les jeunes formations délaissent la guitare, instrument roi du rock, pour s’emparer des synthétiseurs givrés jusqu’à outrance, ceux-là même conspués il n’y a pas si longtemps. Nul doute que 2012 accentuera cette mouvance. D’autres visionnaires avaient bien sûr anticipé le mouvement, de John Maus à Animal Collective en passant par les universels MGMT… et parmi la déferlante de nouvelles formations, peu parviendront à s’extirper de la masse pour ouvrir une voie inédite. Mais il y a toujours des exceptions et il ne tient qu’à nous de plonger profondément dans cette « nouvelle’ nouvelle vague » pour pêcher quelques perles rares, à l’instar de ce On The Water de Future Islands.

Originaire de Caroline du Nord mais installé depuis à Baltimore (Maryland), ce trio sévit clandestinement depuis 2003. Les choses sérieuses ont commencé tardivement avec leur second album, In the Evening Air paru en 2010. Un grand disque d’electro-pop minimaliste qui avait à l’époque échappé à nos radars. Suite logique d’In Evening Air, On the Water renouvelle leur collaboration avec Chester Endersby Gwazda, qui n’est autre le producteur fétiche de Dan Deacon, ce dernier étant à l’origine de cette association.

Future Islands, se caractérise avant tout par la voix singulière de Samuel T. Hering. Les envolées digitales mise en scène par le clavier Gerritt Welmers et le bassiste/guitariste William Cashion sont littéralement transcendées par cette voix mélancolique et exubérante qui ne laisse personne indifférent (en bien ou en mal). Son vibrato, grandiloquent et emporté abusant des tremolos, n’a que peu d’égal dans le paysage musical actuel, ou alors faut-il aller du côté des inclassables tels que John Maus et Carey Mercer de Frog Eyes, voire Tom Waits. Hering insuffle un supplément d’âme à ses claviers de l’ère glacière, faisant ainsi office de contrepoids émotionnel pur et baroque.

Le chant est d’ailleurs plus que jamais le vecteur principal d’attention sur On The Water, album qui calme un peu les ardeurs pop synthétiques de son prédécesseur au profit d’ambiances langoureuses et éthérées, non loin de la sophistication d’un Wild Beast (autre formation dotée d’un chanteur détonant en la personne de Hayden Thorpe). Des débuts strictement synthétiques/lo-fi, la greffe prend progressivement avec de vrais instruments – le superbe EP Undressed paru l’année dernière, s’essayait déjà avec succès vers des sonorités plus traditionnelles. Aussi, l’intrusion de cello, violons, marimba, une batterie, ainsi que des field recordings, adoucissent un peu la ferveur frigide cold wave. Future Islands perd ainsi un peu de sa frénésie, mais grandit incontestablement dans les nuances émotionnelles.

On the Water recèle une poignée de ballades mémorables – fait étonnant – de plus en plus intenses au fil que les pistes se succèdent jusqu’à l’apothéose final, « Grease », sommet chaviré de ce disque. Surtout, il en ressort que Samuel T. Hering est un chanteur d’exception, l’une des rares voix émergente à pouvoir se permettre de faire basculer une chanson quelconque vers l’exceptionnel : expressif et émouvant sur « Where I Found You » (paradoxalement sur celle-ci sa voix y est étonnamment sobre mais bouleversante), la pop exaltante de « Balance » ou encore les nappes façon geisha de « Give Us the Wind », que n’aurait pas reniées Klaus Nomi. À noter, enfin, la présence éclatante de Jenn Wasner (Wye Oak) en duo sur « The Great Fire ». Après avoir magnifié l’air et l’eau, la prochaine étape de Future Islands sera sans nul doute, le feu. On attend désormais cette flamme avec impatience.

-Page Myspace

Future Islands – « Give Us the Wind »

Future Islands – « Balance »