Troisième album du chanteur/claviériste de Wolf Parade, pop songs aux coeurs brisés sous influence allemande. Obsédant.
Si on devait trouver un point de rencontre entre le krautrock et David Bowie en 2012, ce ne serait plus Berlin, mais Moonface. Car il faut entendre Spencer Krug sur « Yesterday’s Fire » – hymne pop descendant direct de (e-)Bowie – s’ingénier à revêtir la cape du héros romantique perdu. Projet jusqu’ici « loup solitaire » de Spencer Krug, Moonface sur ce troisième opus creuse incontestablement une facette inédite dans sa dramaturgie pop.
En faisant alliance avec les finlandais de Joense 1685 – aujourd’hui devenu Siinai -, qui assuraient la première partie de Wolf Parade en 2009, c’est sous un autre jour que nous découvrons le claviériste canadien, et un tout autre groupe. Ce troisième opus est certainement le disque pop attendu de ses laudateurs. Krug semblait, jusqu’ici, trop concerné à tordre ses progressions d’accord indomptés à travers ses multiples projets. Il fallait de l’air. Les mélodies de Heartbreaking Bravery sont gagnées par les circonvolutions kraut/synthétiques du combo nordique, et affectent magistralement les compositions. À tel point que l’on ne trouve pas vraiment de point commun avec le Moonface rugueux d’hier, si ce n’est évidemment la voix. Pourquoi alors garder ce nom, fausse suite des expérimentations foldingues avec marimba et vibraphone ? Après tout, nous ne sommes plus à un patronyme près, après Sunset Rubdown, Swan Lake et Wolf Parade… Mais peu importe, pourvu que la qualité soit au rendez-vous.
Car la greffe prend extrêmement bien avec les crouteux d’Helsinki. Heartbreaking Bravery, comme son nom l’indique, tente de conjurer la bravoure briseuse de cœur. Le loup de Montréal rentre les canines, terré dans l’ombre, il hulule sous la pleine lune ses blessures. Connu pour sa voix épileptique, le chanteur a mis de l’eau dans son vin, ou plutôt de l’hélium. Moins exacerbée, sa voix travaille l’apesanteur, maîtrise les débordements, tolère quelques mélodies épiques…
Les battements rageurs de Wolf Parade n’ont en conséquence pas lieu d’être. Un tempo binaire travaille dans la durée, hypnotise tel Neu! sur l’incroyable « Shitty City ». Les nappes atmosphériques proéminentes et de sales pédales Delay miroitent des ellipses mélodiques en forme d’aurore boréale -« Quickfire I Tried », avec ses synthés aveuglants, et s’éloigne vers l’obscur sur l’incantatoire « Faraway Lightning ». Jusqu’ici encore dans l’ombre, Moonface pourrait bien devenir une priorité parmi les multiples projets de l’histrion canadien.
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