Continuer le combat.
Sans se tromper de combat.
Avant de tirer sur l’ambulance, encore faut-il savoir quelle colère motiverait un tel geste, encore faudrait-il s’apercevoir que c’est une ambulance.
Le nouvel album des Walkmen ne semble pas laisser de marbre la critique, surtout la désespérée, la déçue, rancunière et négative. Il est actuellement de bon ton de descendre de leur piédestal les idoles du passé, d’en tirer les vieilles gloires ringardes pour les porter aux nues. Ainsi va la vie du rock’n’roll, le grand huit des émotions, des déceptions, de la mauvaise foi et des passions exacerbées !
Ainsi, les bad boys de Everyone Who Pretended To Like Me Is Gone; ont eux aussi disparu; ainsi, le collage bric-à-brac de A Hundred Miles Off a été rangé au placard; ainsi, la noirceur de You & Me a laissé la place à la lumière (comme déjà souligné dans ces pages à la sortie de Lisbon). Depuis deux albums, le groupe semble donc filer le parfait bonheur et atteint ici le paradis.
Une simple observation des pochettes donne assez lisiblement les clefs de l’évolution des Walkmen, au moins du moral des troupes. Et ce ne sont pas les photos de famille, toutes sourires et enfants, qui illustrent Heaven, qui démentiront ce bonheur enfin trouvé : des bad boys, du désespoir amoureux à la construction familiale, la solidité et la promiscuité, à la présence des proches, quel chemin parcouru !
Alors oui, le format des chansons pâtit peut-être d’une structure maintenant éprouvée, fixée, recette facilement déroulée; oui, il existe encore ces montées en arpèges qui se résolvent dans l’explosion des guitares comme une réminiscence un brin artificielle de Lisbon, l’album jumeau.
Mas à y jeter de plus près une oreille attentive, il parait difficile de nier la facilité vocale de Leithauser et son timbre évident, la maitrise des mélodies du groupe, son savoir-faire impressionnant. L’intro de l’album laisserait même imaginer pendant un temps une orientation plus acoustique, encore plus dépouillée, mais non ! La guitare claire et crunchy et les rythmiques sous pression sont bien au rendez-vous !
Ainsi va l’album, de ballades en morceaux rock et efficaces, en chansons entêtantes. Ainsi du superbe “Line By Line” plein de frissons au refrain obsédant de “The Love You Love”, le disque est une collection de chansons à la perfection qui semblerait parfois artificielle si elles ne respiraient pas une naïve sincérité. Il serait alors fort dommage de bouder un album qui mêle de concert cette exigence maîtrisée aux hymnes impeccables.
Et, sans lire dans une quelconque boule de cristal, peut-être l’auditeur devrait-il profiter de ce bonheur fugace et paradisiaque qui enveloppent le groupe avant une hypothétique descente aux enfers, tout malheur non souhaitable aux honnêtes hommes qui marchent de l’avant, qui n’ont jamais aussi bien porté leur nom.
Il serait regrettable de se priver d’un bon album pour de mauvaises raisons car, s’il ne porte pas en lui la beauté noire du désespoir, Heaven respire la splendeur des jours heureux.
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Lire également la chronique de Lisbon et de A Hundred Miles Off.
En écoute : « Heaven »