Deux mois avant la sortie de Fragrant World, le trio brooklynois nous avait prévenus : les compositions de leur troisième long-format « s’avèrent quelque chose de plus sombre et étrange ».
Deux mois avant la sortie de Fragrant World, le trio brooklynois nous avait prévenus : les compositions de leur troisième long-format « s’avèrent quelque chose de plus sombre et étrange ». L’annonce n’étonnait guère, étant acquis que dès son premier album, Hall Hour Cymbals (2008), Yeasayer ne pouvait envisager d’élaborer leur musique sans prise de risque, mais il nous tardait de découvrir les derniers développements de leur perpétuelle mue musicale. Le premier single, « Henrietta », diffusé généreusement cet été via les réseaux sociaux, imposait une proéminence de claviers et de boites à rythme tribales, catapultés à mi-parcours par une jolie ascension vocale. Hélas, Fragrant World ne tient pas les promesses de cette séduisante mise en bouche. De plus en plus férus de programmations et machines, Anand Walker (chant, claviers) et Ira Wolf Tuton (guitare, chant) semblent s’être cette fois empêtrés avec la notice de leurs nouveaux joujoux technologiques (flagrant sur le très gogo-gadget « Devil and the Deed ») . Esclaves malgré eux de leur matériel aux possibilités illimitées, Yeasayer peine à canaliser ses idées et finit par s’égarer sur son propre chantier. Entièrement autoproduit, le successeur du remarquable Odd Blood (2010) manque de recul, d’une ligne de cohésion qui parviendrait à imbriquer les différentes pièces de ce trouble puzzle. « Longevity » donne l’étrange impression d’entendre un reliquat R’n’B de Beyonce, mais n’est pas Jay-Z qui veut… L’abus de vocodeur, véritable gangrène de la pop moderne, n’arrange pas non plus l’affaire. Leur pop mutante a pourtant encore quelques beaux restes (le très efficace « Reagan’s Skeleton » ou « Damages Goods ») mais Fragrant World souffre trop de son aspect fragmenté. A trop vouloir innover, Yeasayer a perdu le reste en chemin. Espérons que l’expérience leur serve de leçon… on l’espère de tout coeur.
YEASAYER – « HENRIETTA »
Yeasayer – « Longevity » :