Silver Age, ou une leçon de choses rock – chansons et attitude – offerte par l’oncle Bob.
Après Dinosaur Jr et son I Bet On Sky de haute tenue, voici le retour gagnant d’un autre héros du tatapoum américain. Et plus encore que J.Mascis, Bob Mould représente tout un pan du rock supersonique et sans concession de ces dernières décennies. Quitte à radoter, on rappellera qu’oncle Bob fut l’un des trois artificiers d’Hüsker Dü, groupe culte séparé en 1988 et contrepoids révolté des années Reagan. Ecouter aujourd’hui Zen Arcade, double album de 1984, demeure une expérience unique, éprouvante et jouissive. Une coulée de lave entre les oreilles, des cavalcades trempées dans le mercure. Entre 1992 et 1995 Mould pilota Sugar, nouveau trio donnant naissance à Copper Blue, album admirable nimbé de nuances pop. Chef d’œuvre immédiatement suivi d’un autre, l’infernal EP Beaster, condensant en trente minutes chauffées à blanc le suc du son rock alternatif des années 1990 ; direct, dense, puissant et tourmenté. La suite fut artistiquement moins heureuse, Bob Mould enregistrant des albums au mieux inégaux, parfois pénibles. Un cycle à faire le yoyo, plus en bas qu’en haut, buvant la tasse à maintes reprises et manquant de s’écraser sur les récifs. On imagine alors les épisodes difficiles traversés depuis le début de sa carrière ; dope, dépression, alcool, doutes, … le rock’n’roll circus cruel et grimaçant.
Mould a aujourd’hui 52 ans. Il aurait pu sortir un disque joué assis, les yeux fermés, acoustique contrit bien plan-plan. Le voir débarquer avec cet Age d’Argent, droit et rageur, fait chaud au cœur. Un nouveau power trio, avec l’excellent batteur Jon Wurster (Superchunk, The Mountain Goats) et le bassiste Jason Narducy (Verbow). Un retour de flamme suite à la reprise sur scène de Copper Blue, pour les 20 ans de l’album récemment réédité en édition deluxe, ainsi que le Beaster EP et l’ultime File Under : Easy Listening. Et donc une nouvelle vie pour Bob, de nouveau pugnace et inspiré. Sa voix est toujours impressionnante, comme ce son de guitare, massif et filandreux, toile en acier gluant. On trouvera dans Silver Age ce qu’on est venu y chercher, des crochets au menton, des directs au foie. Bob Mould distribue les pains à la perfection, mêlant rock dur – guitares abrasives, donc, rythmique au taquet – et accroches pop séduisantes – mélodies ascensionnelles, harmonies vocales. Des morceaux sans faille et qui font bloc, aussi compacts qu’affûtés. Egalement sereins, comme si l’homme avait pactisé avec ses démons. L’enchaînement de “Star Machine”, “Silver Age” et “The Descent” est l’un des débuts d’album les plus jubilatoire de l’année. Plus loin, “Round The City Square” est une nouvelle fusée envoyée vers les étoiles, comme du REM porté à ébullition. On entend Bob Mould se faire plaisir. Pour le voir, jetez un œil à la vidéo libératrice de “The Descent”, ou le même titre généreusement interprété sur le plateau du Late Show with David Letterman, le 4 septembre dernier. Guitariste génial, chanteur habité, Bob Mould conclut Silver Age par un morceau intitulé “First Time Joy”. Et nous le remercions ardemment pour cet album, heureux retour aux sources.
Bob Mould – « The Descent » (Official Music Video)
Bob Mould – The Descent – David Letterman 9-4-12