Septième opus toujours foisonnant du new yorkais Adam Pierce, géniale expérimentateur en quête d’autres continents sonores.
Brillant producteur, percussionniste, guitariste flamenco et plus généralement multi-instrumentaliste… le champ d’investigation musicale du versatile Adam Pierce ne s’astreint à aucune limite. Du moins depuis plus de quinze ans, le cerveau américain au sein de son projet anagramme Mice Parade a su régénérer son écriture à chaque album en approchant une incroyable diversité de styles – folktronica, rythmes afro, jazz, musiques latines, musiques minimaliste, post-rock… – pour en sculpter une matière atypique et personnelle. A tel point que le parcours discographique de Mice Parade reste à ce jour aussi tortueuse que passionnante.
Après avoir renoué avec les sonorités afro/tropicalistes sur What it Means To Be Left Handed (2010), le new yorkais « ethnomusicologue » se serait-il décidé à repartir pour une excursion en terre latino, sept ans après l’exotique Obrigado Suadade ? C’est ce que pourrait supposer Candela, titre de ce septième album de Mice Parade, qui emprunte son nom à un bar madrilène haut-lieu de la six-cordes flamenca. A la vérité, ce titre n’est qu’une pièce parmi d’autres d’un puzzle qui constitue une Å“uvre encore une fois très variée, avec concédons-le, une légère inclination pour les guitares dissonantes sophistiquées. Car tout comme sur ses opus précédents, Adam Pierce ne semble pas vraiment se préoccuper à donner une direction générale à ces dix nouvelles compositions, pratiquement chacune étant distincte dans son propre style.
D’ailleurs, pour mettre un terme à tout malentendu, Candela s’ouvre sur un intense blizzard noisy, « Listen Hear Glide Dear ». Cette vertigineuse sérénade de guitares électriques fait office de filtre révélateur quant aux racines slowcore d’Adam Pierce, survivant des années 90 au même titre que les pionniers Low, Codeine et Idaho. Le premier single, « This River Has Tide », dont les guitares Jazzmaster macèrent dans un chaudron mijoté par Kevin Shields, indiquait aussi une tendance aux triturations saturées et autres lentes envolées shoegazing. Mais encore une fois, l’éclectisme musical d’Adam Pierce ne saurait se limiter à un seul registre. Comme sur « The Chill House », une brillante composition folktronica construite à partir d’un thème interprété au koto, ou encore « Gentle Intersante », qui bifurque en milieu de course pour nous emmener plein pied sur une piste de samba cubaine… Et bien sûr le morceau titre, « Candela », seul composition où s’entend une voix de fado et les pincements de corde d’une guitare espagnole (allez on triche, on en entend aussi sur « Pretending », mais vite noyée dans un océan de distorsion).
A cela s’ajoute la présence féminine désormais familière sur plusieurs morceaux de l’américano-japonaise Caroline Lufkin, protégée du label Temporary Residence, qui collabore ici pour la troisième fois avec Adam Pierce. Le chant de Caroline s’avère particulièrement à l’aise sur les périlleuses polyrythmies de « Currents », prompt à filer des ampoules à Deerhoof. Il y a même un instant de bravoure rock un peu placé en retrait, « Warm Hand In Narnia », qui devrait faire quelques étincelles sur scène. Du reste, il nous tarde maintenant d’entendre comment s’articulera tout ce foisonnement sonore en concert. Pas moins de deux batteries et sept musiciens sont annoncés pour rendre justice à l’imagination décidément fertile d’Adam Pierce.