Le projet baroque de deux brillants sorciers psyché-folk , DM. Stith et John-Mark Lapham de The Earlies.
Moins rétro que son nom ne le laisserait sous-entendre, The Revival Hour est la rencontre inopinée de deux pourvoyeurs de la cause psyché-folk US, soit le natif de Buffalo DM Stith et le Texan John-Mark Lapham. Le premier a marqué les esprits en 2009 avec l’inaugural Heavy Ghost, un album de folk kaleidoscopique à l’écriture exigeante, paru sur le label de Sufjan Stevens, Asthmatic Kitty. Quant au second, il est la moitié du duo The Earlies, où ses qualités d’architecte sonore ont donné lieux sur deux albums à un audacieux mariage de folk de chambre et d’éléments folktronica.
Ô surprise, en feuilletant le livret qui accompagne l’album, les crédits font état en coulisse d’un troisième membre officieux, le génial touche-à-tout Richard Swift (songwriter, membre de Shins, producteur très sollicité, notamment de Damien Jurado, Foxygen…), dont ses innombrables casquettes sont ici pleinement exploitées. Outre son rôle décisif dans le mixage de l’album, il fait savoir ses talents de multi-instrumentiste sur plusieurs morceaux et co-signe même le visuel plutôt macabre du disque.
Mais Richard Swift n’est pas le seul sollicité à cette « heure du revival ». DM Stith et J-M Lapham ont conçu leur disque comme une oeuvre collective, déroulant une belle liste d’hôtes. Déjà conséquemment augmenté d’un ensemble de cordes et de cuivres sur ce disque, la nébuleuse artistique du label de NYC, Asthmatic Kitty, y est aussi particulièrement représentée : sont venus prêter main forte à l’ouvrage la diva folk Shara Worden alias My Brightest Diamond pour quelques choeurs, ou encore le batteur Brian Wolfe (Sufjan Stevens). On s’excuse d’avance pour les autres noms mentionnés qui nous auraient certainement échappé…
Avec une affiche si prometteuse, le résultat ne pouvait être au minimum intrigant, au mieux original. Pour tout dire, Scorpio Little Devil se distingue sur ces deux points. Il s’y manigance un ballet gothique où dansent des fantômes. Emmené par la voix singulière du folker DM Stith et les trouvailles atmosphériques de John-Mark Lapham, Scorpio Little Devil est un intrigant disque de pop abstrait. Dès la première piste hybride « Control », le tropisme commun de ses deux géniteurs pour l’expérimentation s’en ressent et devient source de collisions artistiques heureuses. On ne sait par quelle sorcellerie, leur collages s’harmonisent pour donner lieu à des ambiances baroques, mystérieuses, voire oppressantes. Mais le sortilège opère.
Indéniablement, des titres tels que « Pyre » et « Riverbody » portent le lustre sophistiqué d’un Portishead : même sens des arrangements de cordes hantées, des triturages sonores grinçants et de critères de compositions ne répondant pas aux schémas traditionnels. Oui, finalement, cette folk fantasmagorique a plus à voir avec les ambiances brumeuses du trio de Bristol. Seul exception au format « chanson », le titre « Holding Back » qui pour le coup sort le grand jeu : une balade soul tragique, ornée de cuivres et de cordes dans la grande tradition sixties d’un « It’s a Man’s Man’s Man’s World » du godfather James Brown. A partir de ce instant-là, on sait The Revival Hour capable d’accomplir de grandes mélodies, mais là n’est manifestement pas leur centre d’intérêt. C’est ce qui s’appelle être scandaleusement doué.