Sous un jour (presque) radieux, le songwriter américain nous embarque dans un rêve sensuel et exotique. La grande classe…


Un nouveau Bill Callahan est toujours un évènement en soi. Le songwriter américain a beau en être à son 18e album – dont dix sept années passées sous le patronyme Smog, désormais huit sous son propre nom – l’excitation suscitée par Dream River est toujours là. Hors du temps, hors des modes, sa country-folk bucolique est un peu là pour nous remettre sur le droit chemin de la vérité. Enfin, on se plait à le penser. Car une autorité naturelle se dégage de ce musicien très discret. Celui qui autrefois se faisait appeler Smog parvient à garder une constance dans sa musique pour le moins exceptionnelle. Contrairement aux autres figures incontournables de sa génération, Will Oldham et Mark Kozelek, le solitaire Bill Callahan sait s’économiser, s’éparpille rarement dans d’autres projets, consolidant de fait sa discographie et cet aura mystérieux qui l’entoure. Fidèle à son calendrier de sortie bisannuel, Dream River contient seulement huit compositions – contre sept pour son prédécesseur. C’est très peu, mais c’est aussi beaucoup, car il n’y a guère de place ici pour le superflu.

Deux ans après le rugueux Apocalypse, tourné sur le mythe américain (tant autodestructeur que fantasmé), Dream River contraste en prenant un tour presque léger (Sur les quelques photos promotionnelles, Bill Callahan sourit, un signe!). Alors que son prédécesseur portait un regard extérieur, ce nouvel opus se veut intimiste, effleure une vision onirique des fantasmes de l’auteur, teintés d’ironie. Comme le suggère son titre, Dream River nous plonge dans un rêve où l’auditeur se laisse dériver vers des rivages… sensuels.
« The Sing », plante le décor. Bill Callahan nous donne rendez-vous, seul, dans un bar d’hôtel. L’heure est à la confidence autour de quelques bières – « Drinking while sleeping strangers unknowingly keep me company » confesse cette voix murmurée inimitable. La soirée s’éternise, le comptoir devient peu à peu trouble pour la rétine.

C’est alors que le songe commence avec « Javelling Unlanding ». Une guitare sous-marine installe une atmosphère floue, absorbante, bordée de percussions latines et d’une flute traversière. Des paysages, des couleurs se dessinent de façon abstraite. Les orchestrations se sont enrichies à nouveau, dans la lignée d’un Sometimes I Wish We Were An Eagle (2009) mais couvés par une fièvre exotique – percussions, flute, Wurlitzer au milieu des traditionnels violons et lap steel… Il y règne une ambiance de fête ultime sur fond de mariachis et de congas, celle des Desperados de la Horde Sauvage avant la grande bataille finale (l’incroyable odyssée dans le désert « Summer Painter », avec les guitares irradiées de Matt Kinsey, de nouveau de la partie).
Sommet de sobriété de l’album, « Small Plane », une ballade d’une pureté inouïe, où le songwriter chante un bonheur fragile, non sans une pointe d’humour « I really Am a lucky man in this small plane ». L’ex monsieur Chan « Cat Power » Marshall et Joanna Newsom vide ensuite son verre et ses pulsions érotiques sur « Spring » « All I Wanna do is make love to You ». La guitare baryton écoule son spleen romantique…

Le rêve ne prend fin qu’avec l’épilogue « Winter Road », froid et silencieux comme un dimanche matin d’après beuverie. Une lueur d’espoir apparaît. Le vieux loup continue son chemin (« Just Keep on, Keep On »). Et de se rapprocher, lentement mais sûrement, des monuments américains que sont Leonard Cohen, Johnny Cash, Kris Kristofferson et Mickey Newbury.

Sur Soundcloud, Bill Callahan – Expanding Dub version :