La sensation Britannique évite la syncope à l’heure du redouté second album. One Breath a même tout du second souffle réussi.


A l’apparition de son premier album en 2011, beaucoup se sont interrogés : comment ce petit bout de femme à l’apparence timide et à la blondeur si écarlate, pouvait dégager un tel cataclysme vocale ? Irrévocablement, le phénomène Anna Calvi fut vite comparé à un « Jeff Buckley au féminin » avec tout ce qui lui incombait de qualités et de défauts hérités du chanteur disparu dans les eaux du Mississipi. A savoir une diva rock, flirtant dangereusement avec l’emphase, d’où filtraient tout de même deux morceaux indiscutablement touchés par la grâce (« The Devil », « Blackout »…). Même si non exempts de défauts, les débuts de la guitariste de haute voltige montraient qu’elle était aussi capable du meilleur. « C’est tellement rare, la grâce ! » confiait récemment le cinéaste Abdellatif Kechiche à un journal…

Le tourbillon médiatique autour de ce premier album dépassa la nouvelle révélation rock et le planning marathon des concerts ne fut pas sans conséquences (quelques dates furent annulées au début de l’été 2011 pour cause de « surmenage »). L’hyperchanteuse à la Telecaster traversa une crise d’identité. Mais c’est aussi le don précieux de tout artiste que de pouvoir transformer ses névroses en moteur d’inspiration, en l’exorcisant par le biais de ses chansons. Bonne nouvelle, l’Anglaise laisse entrevoir pour la première fois ses fêlures. On décèle sur One Breath une vulnérabilité, qui manquait à son premier album, sorte de forteresse qui lui projetait une image presque surhumaine.

Premier bon point, le choix du producteur porté sur l’Américain John Congleton, certainement l’un des plus brillants outre-Atlantique, très habile lorsqu’il s’agit de pondérer le trop plein épique de certains groupes comme Explosions in the Sky ou Joanna Newsom. Il fallait un producteur de cette trempe pour gratter le vernis brillant, et soutenir les prises des risques de la lionne. Et il y en pas mal sur One Breath. Notamment élargir la palette instrumentale, avec des incursions electro inédites (plutôt bien négociés sur « Piece by Piece »), et même dans la musique concrète – les percussions de « Carry Me Over » avant un grand bouquet final orchestral.

Elle que nous avions connu grandiloquente, nous surprend dans son choix d’épure sur le titre éponyme de l’album, le minimaliste « One Breath », qui comme son nom l’indique, fait office de jolie respiration en plein milieu de l’album. Il en résulte un disque plus épais que son prédécesseur, où les guitares carillonnantes ne dictent plus leur omniprésence, mais savent intervenir à point nommés lors des explosions lyriques. Il est ainsi agréablement sain d’entendre la virtuose de la six-cordes salir sa dextérité sur « Love of My Life », et son riff pachydermique basique. Seul écho du premier album, « Suddenly » et « Eliza », délibérément placés en tête de l’album comme pour évacuer d’emblée sa facette « clinquante », laissent ensuite une plus large latitude artistique.

Qu’on ne se trompe pas, le vertige mélodique reste toutefois bien innervé dans les compositions ambitieuses d’Anna Calvi. Sur le souffle épique sur « Tristan », Anna Calvi fait preuve d’une stupéfiante maîtrise de tragédienne, condensé en moins de trois minutes – ses inflexions vocales évoquent l’aînée Kate Bush de la période Hounds of Love. Le disque se clôt sur « The Bridge », épilogue a capella divin, sans faux pas, brillant de retenue. Un nouveau instant de grâce à inscrire dans le répertoire de cet artiste qui ne manque décidément pas d’air.





En tournée : Caen le 27 novembre, Angers le 28 novembre, Saint Ave le 30 novembre, La Roche sur Yon le 1er décembre, Cognac le 2 décembre, Ramonville le 4 décembre, Orléans le 5 décembre, Strasbourg le 6 décembre, Clermont Ferrand le 8 décembre.