La formation allemande revient avec son doom-jazz funéraire, plus pernicieux que jamais.
Alleluia!!! Bohren Und Der Club Of Gore, formation Allemande passée maître dans l’art du jazz sous assistance respiratoire, revient plus en forme que jamais. Au fond du trou. Un petit développement s’impose pour présenter leur musique. En métal, vous connaissez le doom voir le funeral doom metal ? Le principe est d’utiliser les codes du metal mais de ralentir le tempo jusqu’à ce que le batteur atteigne 8 BPM, vitesse de pointe maximale autorisée. Bohren use du même artifice pour le jazz mais de façon plus extrême encore. Là les BPM ne doivent pas dépasser le nombre de bras du batteur. Présenté ainsi vous devez vous dire que l’ennui doit être abyssal à l’écoute de cette musique. Les précédents essais du groupe pourraient vous donner partiellement raison, du moins les trois derniers (comprenant deux albums et un EP). Sur Piano Nights, sorti en janvier dernier, c’est tout autre chose. Le groupe revient au niveau de leur Black Earth, chef-d’oeuvre noir et intense de 2002.
La formation germanique parvient sur cet album à s’approprier de nouveau l’espace, à le faire sien. C’est cette notion qui faisait cruellement défaut sur les précédents disques dans lesquels on ne retrouvait leur génie que de façon sporadique, dilué entre tentatives d’aller voir ailleurs (la collaboration avec Mike Patton entre autre) et creuser son sillon quitte à le faire en pilotage automatique. Piano Nights voit le groupe se ressaisir, resserrer ses rangs et jouer de nouveau à l’unisson. Les neuf titres qui le constituent forment une unité indivisible, habitée par des choeurs fantomatiques, des claviers se défiant de l’apesanteur, une batterie qui, de par sa lenteur, créé une sensation de chute infinie et un xylophone qu’on jurerait utilisé par Morphée. Parfois quelques guitares viennent vous tirer de votre torpeur, amenant même une tension salvatrice. Seuls les cuivres amènent une humanité, une chaleur bienvenues dans cet album où le temps n’a plus aucune prise, où le silence devient votre seul allié.
Mais n’allez pas croire pour autant que cet univers est froid, impénétrable. Bien au contraire, au delà de l’aspect brumeux, cotonneux, dont semble enveloppé ce jazz, il y règne un bien-être, une étrangeté propices à l’abandon de soi, au lâcher prise. Le temps, comme dit précédemment, devient une notion floue, qu’un morceau fasse trois ou dix minutes vous importe peu finalement, à mesure que l’écoute avance, que les morceaux défilent, le temps n’a plus lieu d’être et la pièce dans laquelle vous êtes finit par ne plus exister. Bohren, avec ces neufs variations sur un même thème, quelque part entre le jazz, l’ambient, ou une B.O Lynchienne, vous a pris dans ses filets et embarqué vers un ailleurs à nulle autre pareil.
A l’insu de votre plein gré certes, mais une fois les conditions d’accès connues et assimilées, vous ne pouvez que plonger. Ne luttez pas contre, c’est inutile, le charme vénéneux de Piano Nights brise toute résistance. Et ne dites pas que vous n’avez pas été prévenus.
Concert : le 3 avril à Paris (FR), Point Ephemere