Le songwriter solitaire de Calgary n’a pas l’air d’avoir le moral ces temps-ci… Encore un grand disque de bizarrerie hantée.
A l’heure de ce cinquième opus, votre chroniqueur réalise qu’il serait bien en peine, rétrospectivement, de donner sa préférence à l’un des quatre disques du multi-instrumentiste de Calgary. Enregistrés et produits par ses propres soins depuis près d’une décennie, les albums de l’artisan Chad VanGaalen font preuve d’une belle constance, régie selon des règles d’éthiques et d’esthétiques bien précis : une pop balançant entre psyché folk lo-fi, power pop garage, expérimentale et arty.
Après avoir donc enchaîné albums et tournées (où il se produit toujours en one-man band) depuis 2004, Chad VanGaalen semble avoir un peu freiné la cadence suite au formidable Diaper Island (2011). En apparence seulement, car ce discret songwriter est continuellement en quête d’expériences, bien au-delà du cercle musicale : en tant que producteur, sollicité pour sa patte sonore singulière (notamment sur les deux albums des défunts Women) mais aussi comme illustrateur et réalisateur de vidéoclips animés (récemment pour Timber Timbre).
L’influence des guitares cérébrales de Women se faisait entendre sur Diaper Island. Ce nouvel album s’en écarte pour plutôt se draper d’un voile folk fantomatique. Comme toujours , le multi-instrumentiste canadien se décuple sur toutes les pistes, non sans la tentation d’expérimenter. Cerné de claviers étranges qui sonnent comme des ondes Martenot (« Cut off My Hands », « Lila »), le timbre haut-perché du Canadien est d’humour plus triste que d’accoutumé. Sur le sombre mais néanmoins brillant single « Where Are You », le chant y est particulièrement prégnant, à peine relevé par une batterie lugubre empruntée dans la cave de Portishead. L’album découle en effet d’une période de deuil et est dédicacé à son ami et défunt guitariste de Women, Chris Reimer, décédé en 2012, ainsi que sa vieille chienne « Lila » (une chanson émouvante lui est dédiée).
Parmi les influences citées par son géniteur sur ce nouvel opus, mentionnons les disques des pionniers country-rockers Flying Burrito Brothers et la BD de SF culte L’Incal d’Alejandro Jodorowsky et de Moebius (sur ce dernier point, on comprend mieux le choix artistique de la pochette de Shrink Dust, ornée par une sorte de créature du marais féminine, et de cités tous droits sortis d’une autre planète) et enfin… l’achat d’une pédale steel en aluminium ! On entend donc sur Shrink Dust ce fameux instrument joué étrangement par VanGaalen, pas vraiment dans la tradition country, mais plutôt utilisé comme une présence lugubre (Weighed Sin). Autre charmante étrangeté, « Weird Love », où un violon dissonant digne de John Cale dérive ver une folk ensorcelante.
Si cette prédominance de titres acoustiques sur l’album est prompte à la mélancolie, le songwriter expérimentale n’a pas pour autant tourné le dos au garage rock et signe un brûlot bien senti : le relevé « Leaning on Bells », qui n’a rien à envier, question riff garage imparable, à Thee oh Sees. Finalement, la déprime chez ce Canadien demeure variée et sans compromis.