Ce qu’il y a de bien avec The Liars, c’est qu’ils débarquent là où on ne les attend pas. Après nous savoir servi un premier album post-punk en forme de cocktail Molotov funky, ils reviennent avec They were strong, so we drowned, album inaudible à la première écoute. Et Angus Andrew, le chanteur, avoue vouloir faire un album de pop japonaise pour la suite ! Ils ne manquent pas d’idées, ni d’électricité.
En débarquant au Grand Mix de Tourcoing pour l’interview du groupe, on tombe sur Angus, qui dort sur un vieux caddie rouillé, en plein soleil. On n’ose quand même pas le réveiller, alors on laisse l’honneur au manager de le faire. Quelques minutes plus tard, Angus a la patate et nous invite à nous faire une petite place sur le caddie :
Pinkushion : Lille cette année, c’est le bon plan pour les concerts. On a eu Blonde Redhead mercredi ici-même…
Angus Andrew : Avec Coco Rosie non ? J’adore leur album !
Ouais exactement. Bon, votre nouvel album n’a rien à voir avec le premier. Vous avez remplacé le batteur et le bassiste par un seul batteur. Le fait de les remplacer, c’était une envie d’aller dans un style complètement différent ?
Pour être honnêtes, c’était uniquement Aaron (guitare) et moi qui écrivions la totalité des morceaux, y compris les lignes de basses et la batterie. C’était à force un peu frustrant, donc on a décidé de splitter avec ces gars, et de partir dans une direction complètement différente. On a en quelque sorte essayé de désapprendre la musique qu’on jouait, faire l’extrême opposé du premier album. Et du coup, on n’avait pas envie de devoir écrire en plus des lignes de basses, parce qu’il y avait bien assez de travail comme ça !
Dans le nouvel album, il y a pas mal de sons électro, non ?
Pas vraiment. En fait, on a eu de la chance d’avoir du temps pour composer, et du coup on a pu passer plusieurs jours uniquement sur un son de batterie. Et puis on a amplifié la batterie, en rajoutant quelques pédales, c’est ce qui donne ce son un peu électro, mais qui en fait ne l’est pas. Ce sont uniquement des instruments ou des voix qui ont été modifiés.
C’était ton idée de te rapprocher de sons électro, ou ça venait d’Aaron ?
Ce n’était pas vraiment l’idée de l’un ou l’autre, ça vient plus du deal qu’on a eu avec notre maison de disques. Plutôt que de louer un studio pour enregistrer, on leur a proposé de faire notre propre studio chez moi. A la base on avait de l’argent pour s’acheter des pédales d’effet, des cymbales etc… Du coup, on a été énormément impliqués dans toute la partie « production » de l’album, en triturant nous-mêmes les sons.
On s’est amusés à développer nos propres sons, et ce sont eux qui définissaient en partie la structure de nos nouveaux morceaux.
Et quelle a été la réaction de votre label, Mute Records ?
On a eu de la chance de pouvoir faire quelque chose de complètement différent. Mute produit beaucoup de trucs étranges, et quand on leur a fait écouter le nouvel album, ils nous ont dit : « Wow ! L’année va être intéressante ! ». Mais ils n’ont jamais demandé de changer quoi que ce soit.
Vous jouez encore votre premier album sur scène ?
Non. Quand on a changé le groupe, pour notre première date de la tournée (au Japon), on avait décidé de jouer les 2 albums, mais on s’est vite rendu compte que c’étaient uniquement les nouveaux morceaux qui nous intéressaient. Donc on a bossé à fond les nouveaux morceaux, le jeu de scène, et on a encore quelques nouveaux trucs depuis la parution du LP.
Vous devez avoir plus de liberté avec cet album sur scène, non ?
Pas vraiment, non. En fait, il est très structuré, et c’est dur de se lâcher, parce que chaque son est calibré au millimètre. Du coup, on doit coller énormément au son du LP.
Question qui n’a rien à voir : que penses-tu des Pixies, et de leur reformation ?
J’ai eu ma période Pixies, comme tout le monde. Mais je les ai trop écoutés, et forcément, à un moment tu satures. On va jouer avec eux en Espagne cet été, avec PJ Harvey aussi…
Vos nouveaux morceaux sont encore d’un style différent par rapport à They were strong, so we drowned ?
Ouais, c’est assez différent, il y a un peu plus de jeux avec les micros sur scène. J’y joue même un peu de guitare !
On a aussi entendu parlé d’un album de pop japonaise ?
(rires). Ben disons que la pop a amené son lot de bons trucs. Je pense qu’il y a beaucoup à prendre dedans. Ca serait sympa de faire des morceaux de pop bien classiques. Mais bon, vu qu’on a une totale liberté, on avait juste tout envisagé !
Quand j’ai écouté They were strong, so we drowned pour la première fois, j’ai tout de suite pensé à Kid A…
C’est vrai ?! Il va falloir que je dise ça à Aaron, parce qu’il adore cet album. Personnellement, je préfère Amnesiac. Ca me fait plaisir que tu dises ça, parce que c’est vrai que sur certains des nouveaux morceaux, on se rapproche un peu de l’esprit de ces deux albums.
They were strong, so we drowned s’écoute d’une traite, il n’y a plus vraiment de morceaux…
Ouais. Notre premier album, c’était une floppée de 9 morceaux, point barre. On ne cherchait pas à établir un lien entre eux, contrairement à They were strong, so we drowned, où on y a fait très attention. Un peu comme sur le nouveau Fantomas.
Vous écoutez quoi en ce moment ?
On écoute du Hip Hop en quantités industrielles, pour les beats dont on raffole. D’un autre côté, on est fans de Radiohead, Björk, Matmos, un paquet de trucs en fait…
Vous écoutez principalement ce qu’on vous file sur les tournées non ?
On écouté énormément de Cds. Une fois, dans un coin paumé genre Arizona, à la fin de la tournée US, un mec m’a filé un CD en me disant : « J’ai enregistré ça chez moi sur mon 4-pistes. » Et en rentrant, je me retrouve à chaque fois avec une pile de CDs, que j’écoute quand j’ai quelques jours de break. Et le CD de ce mec était blanc, rien d’écrit dessus. Et c’est l’album le plus dingue que j’ai entendu depuis un paquet de temps ! Mais pas moyen de le contacter !
Merci, et bon concert !
Merci les mecs, a la prochaine !
Nous quittons Andrew et son caddie, qui va sûrement continuer sa sieste avant le concert de ce soir…
CHRONIQUE D’UNE TURIE ANNONCEE
The Blood Brothers sont déjantés ! A un point qu’on se demande ce que les Liars vont pouvoir faire après eux… Deux chanteurs à la voix ultra aigue, des rythmes déjantés, changeant en permanence, tantôt posés, tantôt ultra rapides. De vraies furies sur scène, comme on a rarement l’occasion d’en voir….
Puis c’est au tour des Liars. Après l’interview de l’après-midi, nous restions perplexe : le groupe est réduit à un simple trio, ils ne jouent plus rien du premier album… Bref, on se demandait si on allait retrouver un set aussi explosif que celui servi au festival des Inrocks deux ans plus tôt…
Ils débarquent sur scène, Angus porte un masque inca, avec des plumes blanches tout autour, il est perché sur une enceinte, courbée, prêt à bondir. Et pour bondir, il bondit ! Le concert est un monument de jeu de scène, Angus occupe tout l’espace, bouge, hurle, enroule son fil de micro autour du coup du batteur. Ce grand dadais survolté ne s’arrête jamais. Entre chaque morceau, il n’hésite pas à nous raconter quelques conneries, et à s’amuser avec ses effets de voix, en balançant quelques « fromage », « saucisson », qu’il fait sonner de toutes les façons possibles.
On était sceptiques avant le concert, on est ressortis abasourdis : The Liars est tout simplement le meilleur groupe de scène du moment ! Leur nouvel album, s’il est difficilement écoutable, prend toute son ampleur, sa cohésion, sur scène. Et on comprend bien Angus quand il nous dit qu’on peut considérer leur LP comme un seul morceau, c’était exactement ça ce soir, une virée au pays des sorcières, des incantations, et des rythmes tribaux. Bravo les gars, vous allez tout casser !
-La chronique de They Were Strong So We Drowned