Totalement méconnu malgré une décade affichée au compteur, ces musiciens originaires de Portland reprennent le flambeau de l’Americana flamboyante laissée vacante par Wilco depuis Summer Teeth. Mémorable.
La country rock alternative : vaste et grand mot qui enrobe beaucoup de choses. De bien belles choses d’ailleurs, via l’héritage de l’aigle blanc Graham Parsons, qui a bouleversé la vision du rock en sabotant à la fin des 60’s un album des Byrds, puis en traînant son grain de sel chez les Stones… enfin avec deux albums en solo légendaires qui n’ont pas fini d’épuiser les amoureux de mélancolie lunaire. Bien sûr, Parsons n’est pas exactement le premier à exploiter cette filière, mais il fut le premier à revendiquer l’héritage rock. Depuis, bon nombre de groupes ont défilé (Red red Meat, Green on Red, Uncle Tupelo, American Music Club…) tentant de prolonger cette alchimie unique, confectionné avec bien plus d’essence punk que 99% de ceux qui le revendiquent directement.
Formé en 1994, les Richmond Fontaine comptabilisent déjà cinq albums à leur actif et des milliers de concerts dans des taudis perdus, là où la bière coule à flot et les fracas de bouteille sont monnaie courante. Tout ça pour dire que ces gars-là ont donc de la bouteille et savent plutôt y faire sur scène… Leur disque précédent, Winnemuca (2002), augurait une nouvelle ère via la création de leur propre label, El Cortez Records. Le disque permet de les sortir enfin de l’anonymat et commence à recueillir quelques critiques au-delà du pays de l’Oncle Sam, notamment en Angleterre.
Depuis ses débuts, le groupe a connu plusieurs remaniements, mais le coeur reste épargné, à savoir Dave Harding (basse) et Willy Vlautin, unique compositeur et âme du groupe. Vlautin est né dans le même moule que Jeff Tweedy : même grain de voix country punk, même passion donc pour l’aigle blanc Parsons, mais aussi Paul Westerberg. Du coup, il est vrai qu’on ne manquera pas de faire un parallèle avec le Wilco période pré Jim ‘O’Rourke, du temps des merveilles de Summer Teeth, lorsque le pianiste Jay Bennet exprimait son talent à pleine mesure, et avant que Tweedy ne retranscrive ses cauchemars sur disque et ne prenne le contrôle total du groupe.
L’esthétique de Post To Wire rappelle également Junior Bonner, touchant film de Sam Peckinpah, l’histoire du dernier cow-boy moderne, joué par un grand Steve Mc Queencomplètement décalé par rapport à son époque qui tente sa dernière chance dans un concours de rodéo. Le disque exprime parfaitement ce sentiment d’inadaptation et de malaise, celle d’une personne qui se sait en marge de la société et vouée à l’extinction mais qui préfère continuer son fidèle chemin quitte à foncer droit dans le mur.
Parfait dosage de tout ce qu’on peut retrouver dans l’americana, ce disque comporte de bien belles surprises et des ballades à faire fondre le coeur d’un Grizzly. Quelques moments de grâce parsèment cette carte postale nostalgique, tel ce « Montgomery park » et ses roulements de batterie flamboyant qui brassent la poussière d’étoile. Parfois hanté de remords, « Hallway » et « Willamette » dévoilent une facette fantomatique qui démontre que ce groupe possède une part d’ombre fascinante.
Ceux qui aiment les flots de Pedal Steel rêveuses et les mélodies infidèles en auront pour leur compte. Chez la fontaine de Richmond, on aime cet aspect granuleux qui nous fait tant apprécier cette country-là, loin de Garth Brooks et de cette soupe FM qu’on peut entendre ici dans les mièvreries TV de Chuck Norris.
Enfin, Post to wire est une expression utilisée dans les courses de chevaux, lorsqu’un poulain domine ses concurrents du début à la fin du critérium. Un étalon qui prend le large : Ce qui retranscrit bien le sentiment qui émane de ce disque. Vraiment, un bien beau pur-sang, sauvage pour le coup.
-Le site officiel de la fontaine de jouvence