L’antenne de radio 4 n’émet plus seulement qu’aux alentours de la Big Apple, mais s’étend désormais sur tout le territoire US afin de répandre la bonne parole contre Bush. Et la musique dans tout ça ? Bof.
Voilà le genre d’album qui place dans un sale pétrin les pauvres rock-critic passionnés que nous sommes. Qu’est-ce qu’on aurait aimé défendre corps et âme ce nouvel album de radio 4, l’une des plus formidables machines à danser de la « grosse pomme ». On ne va pas tirer sur l’ambulance, mais la plupart des magazines semblent s’être donnés le mot pour dire que ce disque n’est pas le digne successeur de Gotham !. Et force est d’admettre qu’ils n’ont pas forcément tort.
Retour en arrière : 2002, les rythmes « férraillés » et sensationnels du second album de ce trio New Yorkais (devenu depuis quintet), Gotham ! s’abattent sur la vieille Europe (le disque est sorti aux Etats-Unis durant l’été 2001). Outre la qualité musicale indéniable du disque (le brassage ingénieux des The Clash lié au beat dévastateur de Gang of Four), ce second album est imprégné de l’esprit de la ville aux milles buildings, et se fait malgré lui l’écho de la tragédie des Twin Towers.
Depuis le 11 septembre 2001, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Les Etats-Unis ont découvert la menace terroriste, Georges Bush a démontré au monde toute l’ampleur de sa force de frappe en Afghanistan et en Irak. De ce fait, ce nouvel album du noyau dur Anthony Roman (basse, chant), Tommy Williams (basse) et Greg Collins n’est plus le cri de ralliement d’une ville, mais celui d’une patrie. Un disque militant contre la bêtise de Georges Bush Jr et son administration, une sorte de Fahrenheit 9/11 musical. Chose à part, et même si l’entreprise est louable, est-ce que cela sauve le disque ? Mouais… pas sûr.
Car autant dire que la concurrence est rude depuis. Côté scène, les pavés de la « Big Apple » ont entre-temps eut une sérieuse envie de se trémousser sur des tempos rêches et nostalgiques de l’after-punk. Les !!! sont passés par-là, l’écurie DFA Records (LCD Sound System, The Rapture..) s’est démocratisée et tous les mois de nouvelles têtes apparaissent, tentant de s’engouffrer dans la brèche.
Le groupe ne s’en cache pas, Radio 4 ne veut surtout pas être assimilé à de l’indie rock et de ce fait, met toutes les chances de son côté. Stealing of a Nation est produit par le recommandable Max Heyes (Doves, Primal Scream). Carton précédent oblige (La diffusion de « Dance to The Underground » pour une pub Coca Cola a permis l’effet « Moby »), la production s’est épaissi, Heyes semble avoir apporté en studios une batterie d’effets et loops électroniques, histoire de charger un peu le contenu et développer les possibilités qu’offre un studio digne de ce nom. Le résultat est lourd.
Pourtant, ne voyez pas en ce raisonnement celui d’un puriste borné, au contraire : qui a dit qu’un groupe ne devait pas s ‘étoffer et aller de l’avant ? Non, ce disque n’est pas mauvais et part même d’un bon sentiment, celui de faire du bon travail, c’est indéniable. On aurait même presque rien à reprocher à cet opus, si ce n’est qu’il manque ce petit grain de folie qui faisait tout le charme de Gotham !. On se dit alors que l’apport de Tim Goldsworthy et James Murphy (les mentors de DFA records) n’était pas négligeable et apportait certainement ce petit plus sur le disque précédent que l’on ne trouve plus ici.
La transition vers un son chargé de testostérone est peut être trop brutal, dommage car l’ossature en elle-même reste largement comestible. Objectivement, certains titres sont d’ailleurs parmi les meilleurs du répertoire du groupe. « Nation » pourrait bien être une chute studios de Sandinista, avec ses échos de guitare dub et son rythme moite, sans oublier le discours engagé. « Absolute Affirmation » se rapproche du Cure d’ « In Betweens Days », une basse bien ronflante et un refrain en plein dans le mille.
On regrette seulement que ce disque, aussi lisse qu’une planche à repasser, ne soit pas plus habité.