Des mélodies prodigieuses, amplifiées par un enrobage noisy impeccable, les Lilys sont les derniers artisans d’un art en voie d’extinction, entre Moose et Guided By Voices.
Depuis près d’un an, la presse rock s’emballe sur quelques groupes anglais bien décidés à remettre au goût du jour les mélodies innocentes 60’s des Kinks, Love, et toute la smala pop psychédélique : Bees, Coral, Bandits, Thrills… Personnellement, cette nouvelle vague quoique sympathique peine à insuffler un supplément d’âme à leur compos bien souvent mimétiques. Tandis que du côté des Etats-Unis – où la flamme perdure depuis déjà un certain temps – les saveurs sont toutes autres : Cotton Mather, The Tyde, Shins, The High Dials… sans oublier les vétérans The Lilys (presque tous abrités chez le label Rainbow Quartz) n’ont pas attendu le réveil briton pour clamer leur amour de cette période dorée.
Apparus en pleine vague Shoegazer au début des années 90, les Lilys, originaires de Philadelphie, n’étaient qu’au départ des suiveurs – engendrés par le génial cerveau brûlé de Kevin Shields – au même titre que Moose d’ailleurs, dont le parcours possède plus d’un trait en commun avec ceux qui font l’objet de cette chronique. La musique des Lilys a connu une embellie prodigieuse et soudaine, dévoilant un magnifique papillon derrière le vers hideux, appuyé par une poignée d’albums de pop magistrale disséminés tout au long des 90’s, malheureusement toujours honteusement méconnus.
Durement dénichables, les six albums précédents des Lilys abritent pourtant des chansons pop ambitieuses émanant de Kurt Heasley, protagoniste d’un songwriting exigeant et désossé. Disparu de la circulation depuis 2000, le groupe signe son retour au bercail en 2003, enregistrant trois nouveaux titres produits par Mike Musmanno (High Dials, Icarus Line), lesquels figurent sur l’album ici présent, aux côtés de deux remixes et 8 titres originaux. Et ce retour inespéré tient toutes ses promesses.
Toujours coincés entre cet amour de la chose noisy et des compositions plus sophistiquées digne des grands dinosaures cités plus hauts, les Lilys semblent avoir trouvé là une formule intemporelle qui leur va comme un gant. “Precollection” invoque le larsen de guitare familier de Guided By Voices, une chanson pop à la fois directe et faussement maladroite, dotée d’une finesse d’arrangements que l’on découvre au fil de l’écoute – mais il en va de même pour toutes les chansons des Lilys. A la suite, “You’re getting Closer” est encore un instantané pop irrésistible de ses chansons que l’on fredonne inconsciemment sans même se souvenir de leur provenance, mais le meilleur reste à venir. “Film’s Camera” est une véritable montagne russe de mélodies en cascade, invoquant la magie de ses groupes néo-zélandais que l’on chérissait tant (Bats, Chills).
Sur le meilleur titre de l’album “My Lord Will be Gardening”, le groupe fait preuve d’une imagination bourdonnante, maltraitant à souhait les schémas souvent rébarbatifs de la pop musique (intro/couplet/refrain/couplet/refrain/pont/blablabla/solo/zzzzzz) en conservant toujours une fluidité exemplaire. Ces petites pépites sont magnifiées de plus par l’habillage de Torben Pastore, guitariste inspiré qui sait tirer de sa six-cordes qussi bien des arpèges cristallins que des sons noisy étranges noyés sous des tonnes d’effets psychédéliques de bon ton (“Perception Room”) .
Peut-être que l’intensité baisse parfois, mais il faut dire que la qualité est telle que l’on comprend aisément certaines baisses de régimes – largement comestibles ceci-dit. Une véritable gifle et une leçon de songwriting pop. Prenez-en de la graine les petits.
Le site du label Rainbow Quartz