Panda Bear poursuit ses expérimentations métissées, cédant davantage aux structures pop sans chercher pour autant à caresser ses auditeurs dans le sens du poil.


Il est entendu par beaucoup qu’avec Person Pitch, son précédent album, Panda Bear signait-là un véritable chef-d’œuvre de folk hédoniste. Le membre fondateur d’Animal Collective inventait une langue unique et solaire où se conjuguaient à tous les temps des voix séraphiques et où s’échappaient, de ce véritable muséum d’histoires surnaturelles, pèle-mêle : les symphonies non domestiquées d’une faune luxuriante faite de bruits d’eau claire, des hululements d’animaux, couplés à des mantras chamaniques. Tomboy, à qui il est aujourd’hui imparti de faire mieux, sinon aussi bien, s’en montre-t-il le digne successeur?

C’est dans une cathédrale aux parois de verre translucide, que Panda Bear a élu cette fois domicile, pour composer ses onze titres à l’allure recueillie. Tomboy semble ainsi continuer le script imaginé par Peter – Sonic Boom- Kamber et Jason Pierce, lors de leur collaboration du temps de Spacemen 3.
Sonic Boom que l’on retrouve ici en superviseur avisé veillant à éviter d’empiéter de trop sur le territoire du panda, permet ainsi un mariage réussi entre expérimentation pop, musique multi-frontalière et rumeurs psychédéliques, donnant libre court aux fluctuations vagabondes d’une musique céleste.
Les accouplements hybrides ne sont pas neufs chez Panda Bear. Depuis le début, on connaît la bestiole adepte des mixtures les plus étranges avec Animal Collective, mais également en solo, où Noah Lennox laisse volontiers parler plus ouvertement sa fibre pop, sans rien céder à son amour pour l’expérimentation – ingrédient indispensable à sa potion magique.

Avec cette quatrième traversée en solitaire, Panda Bear ne change rien aux fondamentaux, tout en faisant de Tomboy un disque intense, en profonde mutation, marqué par les rayons irradiants d’une « soul » réfrigérée mais palpitante comme un cœur chaud au sein de cet édifice à la beauté austère. Plus proche des structures classiques, cet album offre un écrin de réverbération où les bruissements se télescopent en milliers de particules – comme sur « Last Night At The Jetty », l’un des tous meilleurs titres de cet album et dont l’évidente mélodie qui s’en échappe se trouve épinglée dans un sirop d’échos, appuyant une fois de plus la thèse un peu simple mais pourtant inévitable, d’un lien existant entre la musique du jeune homme et celle chorale des Garçons Plagistes .

À plusieurs reprises, la griffe de Sonic Boom se fait également sentir sur cette nouvelle production. Que ce soit dans le clavier émoussé de « Tomboy » ou encore la longue litanie que se trouve être « You Can Count On Me », en guise d’ouverture à ce disque pénétrant. L’homme impose ses choix partout en ciseleur habile, connaisseur de son métier. Comme à son habitude, Lennox, lui, utilise sa voix comme un instrument à part entière, lui faisant faire des loops et des boucles sans discontinuer jusqu’à totale absorption de la matière. Plus pop qu’à l’accoutumée, Tomboy possède des structures à la charpente simple, entraînant les titres sur les rivages d’une terre plus hospitalière, mais qui n’en demeurent pas moins des plus sauvages.
Panda Bear exécute des tours de magie avec des boîtes à rythmes et quelques samples d’où s’envolent des chants primitifs échappés dont on ne sait quelle Ile Fantastique, arrivant à rendre même parfaitement citadins les échos vierges et originels de « Surfer’s Hymn »

Tomboy ne dépassera peut-être jamais Person Pitch, mais il lui succèdera sans mal et saura trouver sa place à côté, en petit frère sage et mieux domestiqué. Affublé déjà d’une aura quasi mystique – au point que les moindres toussotements du garçon provoquent souvent l’agitation des hipsters de toutes confessions – Panda Bear n’a encore donc pas fini d’éclairer ses contemporains qui, à en juger par la tentation de nombreux groupes à vouloir adopter pour leur nom le sobriquet de « panda », pensent par ce subterfuge s’approprier ainsi son génie créatif. À croire que la bête à fourrure est devenue avec ces dernières années, la créature la plus en vogue du règne animal!

– Site Myspace

– À écouter: « Alsatian Darn »