Désormais entouré de musiciens dévoués, Zach Rogue donne un peu plus de puissance à ses pop songs admirables. La concurrence doit d’ores et déjà préparer la balayette pour récupérer les miettes.


N’allez pas chercher plus loin : la meilleure alternative aux Shins n’est autre qu’un de leurs voisins de palier chez Sub Pop, répondant au doux nom de Rogue Wave. D’ailleurs, Zach Rogue, son mélodiste en chef, doit en avoir ras la patate de lire mentionné à chaque article qui lui est consacré le nom de James Mercer et sa bande… Conséquence, les « tibias » ont été éclipsés de la rituelle liste des « Thank you » sur Descended Like Vultures, eux pourtant si chaleureusement remerciés du temps d’Out Of The Shadows. Et on comprend bien les raisons de cet oubli : Out Of The Shadow est paru trois ans après le sommet Oh Inverted World (2001), ce qui confère éternellement à Rogue Wave un train de retard. En vérité, Mr. Rogue leur dédie secrètement une chanson sur ce nouvel album, mais bien malin sera celui qui dénichera la fameuse perle*…

Injustement relégué second couteau, Zach Rogue est pourtant un songwriter de première bourre – bien qu’il ait découvert sa vocation sur le tard. Blasé de son job ingrat de développeur de site web, le jeune homme plaque tout en 2001 pour se consacrer entièrement à sa grande passion : les chevaux… heu pardon ! Plutôt les pop songs chavirantes et chavirées. On appelle ça l’effet « 11 septembre ». Il trouve un allié en la personne de Bill Racine (ancien ingénieur de Dave Fridmann sur les disques de Mogwai, Mercury Rev, Sparklehorse…) et enregistre avec peu de moyens ce qui deviendra le fébrile Out Of The Shadow, un ravissement de pop songs matiné de folk brindezingue.

Signé sur Sub Pop, Zach (sauvé par le gong) part ensuite en tournée pour défendre sa progéniture. Il s’accompagne ainsi de musiciens qui deviendront partie intégrante du projet : le guitariste et claviériste Gram Lebron, la bassiste Sonya Westcott et le batteur Pat Spurgeon.

Suivant ce logique processus artistique, Rogue Wave est entré en studio avec pas moins de quatre paires de mains. Et forcément, la différence par rapport à l’aventure « solo » d’Out Of The Shadow est perceptible. Si l’écoute du premier single « 10 :1 » – que l’on s’était empressé de se payer en import – nous avait un peu déçu par son manque de pêche, Descended Like Vultures s’impose comme un agréable compromis entre le songwriting sensible de Z. Rogue et l’entité solide d’un quatuor.

Forcément, ce chanboulement fait perdre un peu de l’ambiance tamisée qui avait tant fait le charme du premier album. Le volume augmenté, les chansons sont ainsi plus rentre-dedans, mais le charme opère toujours – le binôme Rogue/Racine toujours à la production assurant un gage d’ « authenticité ».

Placé en première ligne, “Bird On a Wire” (rien à voir avec le classique de Leonard Cohen) surprend par sa production atmosphérique, d’où s’extirpe une mélodie indélébile. Et “Publish My Love”, ritournelle ultra-léchée, monte encore d’un cran ce niveau émotionnel. Très fort. Ce son plus chargé est en vérité un prétexte au délire créatif (l’azimuté “Catform”). Cette surdose de testostérone sonique apportera encore son lot de réussites indéniables : “Love’s Lost Guarantee”, l’un des titres les plus émouvants du lot, qui s’amorce comme une ballade poignante troublée à mi-parcours par un déchaînement de percussions et de choeurs dissipés en Na Na Na (on adore). On assiste à un fabuleux bric-à-brac mélodique, étonnament maîtrisé : “You” captive l’auditeur dans une spirale psychédélique où il parvient toujours à contrôler excellemment le sens des harmonies.

Passée cette série de bravades, on est ensuite conforté dans l’idée que l’ancien informaticien n’est jamais aussi touchant que lorsqu’il contrôle pratiquement tout, comme sur le très Paul Simon, “Salesman at the Day of the Parade”. La fin de l’album calme un peu le jeu avec des titres comme “Medicine Ball”,“ Temporary” ou “California”, des folk song épurées convoquant un retour au raffinement d’Out Of The Shadows.

Zach Rogue vient de négocier parfaitement sa reconversion en collectivité avec un disque indispensable pour tout amateur de pop songs tarabiscotées et sensibles. Mais si on ne devait retenir qu’une seule chose de ce groupe, c’est ce don incroyable et précieux de procurer de vrais frémissements à chaque refrain.

* sur “You”, il chante These Chutes to Narrow Win

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