Ce groupe d’Oakland tente de faire la nique aux Shins en réitérant ce petit miracle de mélodies prodigieuses, servi par une batterie de guitares acoustiques et d’arrangements intemporels. Une perle et un potentiel énorme.


Juste une petite réflexion qui ne vaut pas un kopeck : Back in 1992 , que penserait le grunge de base (chemise à carreaux, bermuda troué et boots Rangers couleur boue) s’il apprenait que Sub Pop, plus de dix ans plus tard serait le refuge des groupes folk/pop les plus prometteurs des Etats-Unis ? Et bien « le grunge » remettrait certainement le casque de son walkman sur sa tête et continuerait son chemin impassible en fredonnant, « Would ? » ou « Alive ».

Mine de rien, le label de Seattle s’est étonnement écarté de son créneau grungy pour petit à petit ouvrir davantage son catalogue vers des groupes aussi riches et variés que The Shins, les Fruit Bats, Iron & Wine, les irrésistibles Hot Hot Heat (passés depuis chez Warner) ou la machine de guerre Kinski. Un pari risqué mais gagné, car après un passage à vide durant la seconde moitié des 90’s (quelques albums d’exceptions tout de même avec les Pernice Brothers et Afghan Whigs…) le label de Seattle a développé son flaire de façon tout bonnement incroyable.

La dernière surprise en date du label s’appelle Rogue Wave. Encore inconnu voilà deux ans, son premier album Out of The Shadow est sorti dans l’anonymat le plus complet l’année dernière sur un label obscur. Grâce à un bouche à oreille intensif des fanzines et webzines, ce précieux trésor a pu rejoindre la Rolls des labels indépendants US de Seattle, Sub Pop.

Out of The Shadow est l’oeuvre de Zach Rogue (aka Zach Schwartz). Viré de son job d’informaticien, il commence à enregistrer seul quelques mélodies entre Oakland et New York, puis les met en forme aux côtés de son ami Bill Racine (ancien assistant de Dave Fridmann sur les disques de Mogwai, Mercury Rev, Sparklehorse…). Les chansons qui émergent de cette période indécise sont tellement solides et enthousiasmantes qu’il décide de former un nouveau groupe aux côtés du guitariste claviériste Gram Lebron, la bassiste Sonya Westcott et du batteur Pat Spurgeon. Rogue Wave était né.

Sorti de nulle part, Out Of The Shadow est ce qu’on appelle un outsider « magnifique », une surprise de l’acabit d’Oh Inverted World des Shins ou du Either/Or de feu Elliott Smith. Oui, rien de moins.
Très vite, il s’installe un effet additif similaire à la première écoute euphorique de 16 Lovers Lane des Go-Betweens, ou l’unique album des La’s, bref de ces disques où l’on se sent happé par un phénomène boule de neige d’émotions, une succession imparable de pop-songs géniales qui tiennent la longueur jusqu’à la dernière plage.

En parlant des Shins, Rogue Wave est certainement leur concurrent le plus sérieux. Leurs potes de label sont d’ailleurs remerciés dans les crédits du disque (pour leur avoir ouvert la voie ?).Le son des deux groupes est assez proche musicalement parlant – bien que Rogue Wave soit peut-être plus tenté par des virées intimistes au coin du feu – mais tous deux possèdent cette faculté précieuse d’insuffler une fluidité surprenante à un songwriting exigeant et des arrangements finement ciselés.

Toujours accompagnées d’une guitare folk ces chansons voguent entre arpèges mélancoliques et innocence pop 60’s. De la psychédélique introduction « Every Moment » au Coda intimiste de « Perfect », l’ensemble veille à développer un étendard de mélodies boisées presque divines.
Il y a également un titre folk à la Elliott Smith qui n’a rien à envier au maître, « Be Kind & Remind », une rêverie folk aux choeurs susurrés avec en sus des gazouillis d’oiseaux pour rythmer le temps. On voyage ensuite vers les Byrds et ses sonorités de Rickenbacker sur « Seasick On Land » où la voix innocemment harmonieuse de Zack Rogue fait des merveilles.

Et puis cet album possède un classique en puissance, « Sewn Up », croisement improbable entre « No Milk Today » et « There She Goes » de Lee Mavers. Un truc qui vous tombe sur la tête et vous pousse à vous ranger sur le bas-côté de la route pour mieux réaliser l’ampleur de l’édifice. Mais cette chronique s’éternise et la liste de merveilles sur ce disque est longue, très longue. Entre mélodies solides mais nullement dopées (« Endless Shovel ») et instants fragiles (« Kicking The Heart Out »), on pourrait citer pratiquement toutes les plages de ce cd, mais on se contentera de vous laisser la surprise de découvrir cette lumineuse découverte.

Vous l’aurez compris Rogue Wave dévoile un potentiel énorme et se hisse d’entrée dans mon top 5 de 2004 (les pauvres vont être serrés comme des sardines cette année !). Oui, encore un disque de power pop facile, mais que voulez-vous, on ne se refait pas…

Le site officiel de Rogue Wave

Si vous aimez ce disque, vous aimerez également :

Shins (The) – Chutes too Narrow

Iron & Wine – The Creek Drank the Craddle

Fruit Bats – Mouthfuls
New Pornographers (The) – Electric Version