L’ex God Machine Robin Proper-Sheppard peaufine sa formule mélo-noisy sur ce quatrième opus en 10 ans de carrière avec toujours quelques moments de grâce…


Robin Proper-Sheppard ambitionnerait-il de devenir notre Nicolas Hulot du rock indépendant ? Au vu du titre de ce nouvel opus, l’éminence grise derrière Sophia espère éveiller les consciences écolos qui sommeillent en nous. Triste ironie, l’état alarmant de notre planète semble procurer matière à inspiration à cet américain exilé en Europe dont la déprime est devenue, un peu, son fonds de commerce (sans vulgarité). Mais fausse alerte, ce quatrième album ne sombre pas dans l’album-concept guimauve verdoyant…

Près de 15 ans après la fin tragique de God Machine (combo noisy crépusculaire resté fameux pour avoir tapé dans l’œil de Kevin Shields qui les embarqua pour l’ultime tournée de MBV, mais aussi pour le décès de son jeune bassiste Jimmy Fernandez), l’insoumis Robin Proper-Sheppard continue sous l’identité Sophia d’enregistrer en toute confidentialité ses complaintes folk dépressives. Alors que les premiers albums versaient dans un spleen slowcore, lent et hypnotique, habité de légères touches gothiques, People Are Like Seasons sorti en 2004 marquait un tournant vers une certaine sophistication rock. Bien qu’opérant un retour vers une production plus noisy à la God Machine, les compositions un peu ternes peinaient à atteindre l’intensité du superbe De Nachten aux ballades enlevées, disque enregistré dans des conditions live avec un orchestre symphonique. Avec Technology Won’t Save Us, Robin Proper-Sheppard persiste dans cette veine noisy pop, mais avec cette fois une marge de succès notable.

Que les fidèles se rassurent, ce quatrième album studio réserve encore sa ration de folk songs poignantes avec “Birds”, augmenté d’une section de violons et de trompettes funestes, ainsi que le touchant “Where Are You Now”. L’ouverture classique “Technology Won’t Save Us”, un brin pompeuse, laisse place au très rentre-dedans “Pace”, dont les décharges d’électricité sombres évoquent The Church et les Smashing Pumpkins de la dernière heure. Les meilleurs moments du disque sont d’ailleurs – ô surprise ! – les plus nerveux. On se délecte des superbes torrents de distorsion suraiguës sur “Lost (She believed in angels…)” et surtout le renversant “P.1/P.2 (Cherry Trees and Debt Collectors)”, grosse secousse du disque, rangée non sans perversion à l’avant-dernière piste. En dépit de quelques longueurs en milieu de parcours (l’instrumental sans intérêt “Twilight at the Hotel Moscow”), Technology Won’t Save Us confirme l’étonnante endurance de Robin Proper-Sheppard à composer des pop songs hantées.

Bien que toujours ignoré en France, les mélopées indie folk de Robin Proper-Sheppard sont plus au Nord (Belgique, Pays-Bas et la Suède…) accueillies à bras ouverts. La mélancolie hivernale de Sophia possède indubitablement des vertus d’acclimatation…

-Le site de Sophia
-Lire également notre entretien, Sophia, par morceaux
(janvier 2004)