Le premier album de cette formation virtuelle ravira les amateurs de Nick Drake et nostalgiques de ce que l’on a appelé le mouvement « slowcore » durant la première partie des 90’s. Iron & Wine ou le compromis idéal entre folk urbain et pop rurale…


Le monde de la musique est fait de paradoxes. The Creek Drank the Craddle est le genre d’album que l’on jurerait sorti d’un petit patelin où vaches et feuilles mortes semblent aussi familier que l’air que l’on y respire. On imagine Sam Beam – en vérité unique musicien de ce projet – enregistrer ses mélodies en cristal au milieu de larges étendues vertes, entouré de volailles, mottes de pailles et tout le folklore qui va avec. Grand est donc notre étonnement lorsque, incrédule, nous apprenons qu’on a affaire à un musicien résidant en Floride, plus précisément à Miami. Un pedigree musical qui tranche par rapport à la cité balnéaire de la côte Est, plus connu pour ses plages remplis de bimbos et autres séries TV des années 80.

Jeffrey Lee Pierce avait dédié un des meilleurs albums de l’histoire du rock, le bien nommé Miami à cette ville qu’il considérait comme le plus grand cimetière en activité sur cette terre. L’équivalent de notre côte d’Azur ou beaucoup de gens viennent y terminer leur vie. C’est probablement à travers ce spleen urbain que Sam Beam doit y puiser sa mélancolie. Le bonhomme évoque beaucoup la famille et les amours déchues dans ces textes aussi bien que les petits instants simples de bonheur. Lorsqu’il n’est pas occupé à donner des cours de cinéma dans une université, Sam Beam se recroqueville dans sa chambre et enregistre quelques chansons munies de leur plus simple appareil. Etrange personnage donc.

Le charme de l’album repose beaucoup sur sa confection artisanale enregistrée en mono sur un vieux quatre pistes Tascam rongé par la rouille. Point de batterie ici ni de basse. Seulement quelques guitares folks et une voix fragile qui susurre plus qu’elle ne chante. Parfois, un banjo ou un bottleneck se font entendre en arrière plan. Mais si le son est dans le pure esprit Lo-Fie, nous avons ici affaire aux plus belles parties de guitares enregistrées depuis le fameux Eithor/Or d’Elliot Smith.

Plusieurs souvenirs nous traversent l’esprit à l’écoute de ce baptême discographique. Le fantôme de Mark Kozelek première période se fait insistant sur le bouleversant « Faded From The Winter » mais certaines mélodies rappellent aussi la timidité d’un Belle & Sebastian qui lorgnerait vers la néo-country d’un Palace (« Bird Stealing Bread »). Le travail effectué sur les choeurs rappelle aussi les ancêtres Simon and Garfunkel.

Lorsque l’on pense qu’à l’origine The Creek Drank the Craddle est un double album constitué de démos que Sub Pop a finalement préféré sortir sous forme de compilation, on ne peut s’empêcher de se demander ce que valent les titres mis de côté, tant la qualité artistique atteinte ici frôle l’excellence. Vraiment, une agréable surprise et à coup sûr, une révélation à suivre de très près.