Derrière ce pseudo eastwoodien se cache un jeune londonien parvenu à réaliser l’album que le Beta Band n’a fait qu’esquisser sur ses Eps. D’une richesse étouffante, Klint fait partie de ses oeuvres taillées dans le granit que l’on pourra envoyer à travers une sonde spatiale vers l’infini sans jamais douter de sa longévité.


Tout le monde le sait, Londres est un vivier inépuisable emplis de vigoureux petits labels, sérieusement prêt à en découdre face aux majors et imposer leur vision sonore aux yeux de la vieille Europe. Peu importe leur longévité ou leur succès, ces petites structures dont le bureau se résume parfois à une simple chambre d’étudiant témoignent d’une effervescence musicale en perpétuelle mutation dans le haut lieu mondiale de la pop musique.

C’est le cas de Tritone Records, petit foyer musical basé à l’Ouest de la ville sur Holland Park avenue. Si la structure n’en est qu’à ses balbutiements, elle se fait déjà terre d’accueil d’une poignée de groupes comme Fupper ou My brother, mêlant adroitement l’électro-dub à l’héritage du rock anglais. A la tête de cette oasis bienvenue, Seba, jeune DJ /songwriter et figure émergente de la scène électro-dansante londonienne. Lorsque celui-ci n’est pas occupé à diriger ses talentueux artistes, notre jeune anglais sévit aussi sous le pseudo Klint, formidable machine à véhiculer des rêveries pop de grande envergure. Guitariste accomplie, fin mélodiste et manipulateur de sons inspirés, cet érudit musical est forcément plus doué que la moyenne. Son premier album est le fruit d’un long travail effectué en ermite, épaulé parfois par des rencontres fortuites au sein de la scène underground.

La première fois que l’on entendit parler de Klint, ce fut avec la BO du film Snatch où figurait en pole-position le thème de la chanson « Diamond », gentil pastiche de Pulp fiction à la sauce Dance. Vers la fin 2002, le nouveau single « The Mess We’re in /Olga » séduit la presse branchée britannique – DJ, The Face, Dazed and Confused – qui voient en Seba un grand espoir de la scène dansante de l’Ouest londonien. Les deux chansons offertes en pâture (et que l’on retrouve sur l’album) témoignent d’un savoir-faire indéniable, empruntant aussi bien à des ambiances bossa qu’aux rythmiques sauvages de l’école de Bristol. Huit mois plus tard, on constate que l’on avait seulement vu la partie visible de l’iceberg : Klint, premier album éponyme, est d’une richesse bluffante, un cocktail détonant où s’entrecroise dans le même espace pop, punk, folk, world, electro, hip hop et j’en passe. Tout cela dans un seul but, servir des chansons inspirées.

L’album commence sur « Closer », joli entrée intimiste seulement acompagné d’une guitare sèche qui ne laisse rien augurer de ce qui va suivre. Où plutôt oui, ce titre dénué de tout artifice est là pour souligner que nous sommes bien face à un album de chansons dont le style reste à déterminer. Car juste après, les choses prennent une tournure plus spectaculaire sur « Atlantic Spaceham Blues » où une vieille guitare folk armée de son bottleneck se greffe à un beat percutant à souhait, directement inspiré par les envolés Trip hop. A ce moment là, difficile de ne pas penser au Beta Band, la voix de Seba contribuant beaucoup à semer le trouble dans nos esprits (« Shut it Down »). Mais au fil de l’album, on se dit que Klint a un potentiel plus important que le groupe connu chez nous pour sa musique de pub ventant les mérites du lait.

La force de Klint repose sur son squelette de composition. Tous les morceaux sont construits autour d’une six-corde sans artifice, laissant dégager des mélodies évidentes qui pourraient se suffire à elle-même. Au sein de cet espace, la guitare reste l’élément conducteur au milieu de ce brassage sonore éclectique : quelques arpèges bluesy (« Rain Drive »), deux trois accords empruntés au Brésil , un riff punk (« Makes you well », « Partykiller »), ballade folk (« Goldfish ») tout cela s’enchaîne avec une facilité et une efficacité déconcertante. On serait vraiment curieux d’écouter les prémices, se faire une idée de quoi ressemble les démos de ces chansons avant que Seba ne décide de tout chambouler en leur infligeant un lifting luxueux. Car notre homme Seba est un alchimiste du son qui s’emploie avec un plaisir évident à distordre, contorsionner ses petites mélodies pour aboutir à un mélange sans non, entouré d’arrangements charmants. La production pour ce premier album – qui est tout bonnement épatante – donnera sûrement des idées aux bidouilleurs confirmés.

Côté chant, on reste aussi fasciné par cette manière très British de lancer quelques mots avec nonchalance et arrogance sans pour autant dénaturer les mélodies – une spécialité dont les Happy Mondays et Stone Roses se sont fait autrefois ambassadeurs.

Au final, Klint aboutit à un croisement hybride quelque part entre les derniers travaux du Beta Band et le Second coming des Stones Roses, pour cette richesse d’ambiance déroutante. Un cross-over où l’urbain accompagne des mélodies folk sans jamais négliger l’auditeur. Du très beau travail et un artiste doublé d’un label à suivre de très près.

– Le site de [Tritone Records->http://www.tritonerecords.co.uk/
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