Alors que la Californie nous avait habitué à abriter des groupes plus taillés pour le skate board que pour la rêverie, Trespassers William serait un cousin des Red House Painters. Different stars, deuxième album des américains, dévoile une pop racée à la mélancolie envoûtante.


Avec l’automne et ses feuilles mortes aux couleurs dorées qui tapissent le sol des routes de campagne, seule une musique contemplative et mélancolique peut mettre en évidence cette saison. Parmi de nombreux prétendants avec qui on passera l’automne, Trespassers William est le plus beau représentant. Dans les compositions du quartet de Los Angeles, on retrouve du réconfort, de la chaleur et des atmosphères envoûtantes, enfin l’antidote à la morosité liée au climat qu’il nous faut pour ne pas sombrer dans ce spleen journalier.

En 1996, Matt Brown forme avec Anna-Lynne Williams Trespassers William, du nom du grand père de Piglet (Porcinet) d’après le conte Winnie The Pooh (Winnie L’ourson). Ce n’est qu’une fois renforcé de Jamie Williams à la batterie et Ross Simonini à la basse que le groupe trouve sa direction entre des influences aussi variées que U2, Cure, Cocteau Twins, ou Ride.

Different stars est leur deuxième album et tout comme sur le précédent opus Anchor, les fantômes de Red House Painters, Mazzy Star, ou Mojave 3 hantent le disque. Même si la présence de telles références peut être pesante et lourde à digérer, Different stars n’est pas un disque à la manière de. Bien au contraire, la bande à Matt Brown a su trouver sa propre identité et oublier les comparaisons pour produire une musique personnelle enrichie de sa propre expérience.

Bien sûr comment ne pas penser aux atmosphères planantes crées par la voix de Liz Fraser lorsqu’on écoute Trespassers William ou bien à Hope Sandoval avec qui Anna-Lynne partage un même phrasé?

Preuve de la qualité du quatuor californien, le fureteur Simon Raymond s’entiche du groupe et les signe en juin dernier sur son label Bella Union, connu pour ne rassembler que des artistes de valeur.

Ainsi Trespassers William partage ce même goût pour l’écriture soignée et les climats éthérés que ses frères de label. Different Stars regorge de pépites d’or qui trouvent leur source dans un soleil crépusculaire plus que dans la lumière du jour. Pourtant ne nous trompons pas, s’il y a obscurité dans des titres comme « alone » ou « just like this » c’est pour admirer et amplifier la beauté de la nuit éclairée par des étoiles scintillantes.

Comme une plume qui tourbillonne dans le vent de l’hiver, les chansons de Trespassers William ont cette délicatesse qui rendent accessibles les sphères célestes aux mortels. A l’écoute de Different stars, l’auditeur est pris de frissons ascensionnels et ce sans stupéfiant, prend de l’hauteur et découvre le vertige des abysses.

La seule entorse à ce disque serait l’angoisse du réveil. Car une fois le silence revenu dans la maison, la vie n’est plus perçue de la même façon. Et comme par enchantement on replonge dans ce bain de jouvence que nous procure les compositions de Anna-Lynne.

Ce deuxième album des californiens nous réjouit d’autant plus qu’il ne tombe pas dans une relecture réchauffée du précédent, souvent le cas lorsque le buzz grandit autour d’un artiste, mais gagne en intensité et en émotion. Signe que Trespassers William a trouvé sa voix, le groupe nous gratifie de deux reprises, malheureusement disponibles séparément suivant les éditions. Les influences ne sont plus cachées mais bien revendiquées comme celle de Ride (« vapour trail ») qui nous replonge dans nos années universitaires où le shoegazing battait son plein, ou bien la mélancolie d’un U2 alors à son zénith (« love is blindness »).

Sans jamais tomber dans une musique synthétique ou dépressive, les chansons qui étoffent Different stars s’écoutent les yeux fermés comme dans un rêve. L’espace (vide) et le temps (mort) n’ont jamais aussi bien été mis en valeur que depuis le Treasure des Cocteau Twins.

Gageons que Trespassers William connaîtra la même aventure et ne fera plus partie des secrets les plus scandaleusement cachés d’Amérique.

– Le site de Trespassers William